Quel est ton parcours ? Où as-tu commencé, depuis quand es-tu dans le milieu des arts de la rue ?
J’ai commencé comme beaucoup, par hasard. A l’époque il n’y avait pas d’étude pour les arts de la rue. J’étais à Strasbourg et je suis tombé sur un fou qui faisait du théâtre de rue, et j’ai trouvé ça génial. J’avais plus de motivation pour me lever le matin, pour bosser, j’ai tout de suite trouvé ça vraiment génial ! C’est le fait de tout faire soit même qui m’a énormément plu ! En l’espace de trois mois, on a acheté un camion, commencé à le découper à la meuleuse, on a répété sur des portiques, cousu nous même nos costumes et puis on est parti à Avignon.
On maîtrisait toutes les facettes du spectacle et je crois que c’est ça qui m’a plu. De la création du spectacle à la vie de la compagnie.
Quelles études faisais-tu ?
J’étais dans une école d’ingénieur en génie de l’eau et de l’environnement. J’ai abandonné en cours d’année l’école pour continuer à faire des spectacles. Très vite ça a marché et du coup nous sommes partis en tournée internationale rapidement. Après quand j’ai quitté cette première compagnie « Les Elastonautes », j’ai fini mes études. Il me restait mon mémoire à faire et puis je suis reparti dans le spectacle.
Quel est le point de départ de la compagnie « Les Sanglés », à quand remonte ta rencontre avec les autres ?
C’est moi qui l’ai créée, entre temps il y a eu « Les Carillons » puis j’ai créé « Les Sanglés » en 1999.
Nous avions déjà deux, trois spectacles puis j’ai eu envie de trouver une nouvelle équipe pour le projet de l’arbre .
Nous sommes en résidence permanente aux Arènes de Nanterre. Pour le démarrage de l’arbre j’avais réuni une dizaine de gens que je croisais régulièrement sur des spectacles ou que j’avais croisé en entraînement. J’avais pas du tout envie de partir sur un truc de casting-prod’, pour moi c’est plutôt une histoire de rencontre.
Nous étions donc partis sur une histoire de rencontre avec une dizaine de personnes à qui j’avais proposé trois lignes de rencontre qui étaient un peu les lignes du spectacle.
Il y avait une première rencontre qui était avec des arboristes-grimpeurs sur deux jours. On nous apprenait les techniques de grimpe dans les arbres. La deuxième c’était durant deux jours avec des amis à moi qui organisent des ateliers d’écriture. Puis la dernière c’était sur la dramaturgie avec Fred Fort d’Annibal et ses Éléphants. Ce sont trois pistes que je trouvais intéressantes et du coup l’idée d’une rencontre permettait de passer plusieurs jours ensemble et donc de se connaître. C’était dans les deux sens : c’était pas un casting ou tu donnes et puis « merci, au-revoir », c’était plutôt une rencontre et puis les gens repartent avec quelque chose. Suite à ça c’était quand même moi qui décidais. Nous sommes partis à quatre puis au fur et à mesure de la création, il y a eu un peu d’élagage et puis nous nous sommes retrouvés à trois : avec Greg qui joue Jean Jean et puis Dany qui fait Victor.
Ce sont des gens qui font du spectacle qui viennent s’entraîner à Nanterre. Ce qui est extraordinaire dans ce lieu là c’est que ça brasse. Il y a peut-être 200, 300 personnes qui passent par jour dans ce lieu.
D’où t’es venue l’idée de l’arbre ? C’est un peu un retour aux sources pour toi, tu n’as jamais vraiment quitté la question de l’environnement en réalité... C’est un mélange de plein de choses, c’est jamais par hasard, c’est vrai que le 1er spectacle, « La Brigade de Dépollution » c’était déjà sur l’environnement. Ce sont des thèmes qui me touchent. C’est vrai que moi dans ma recherche je suis toujours sur des supports, quelque chose de très sanglés, c’est à dire un support visuel aérien, et après du burlesque, quelque chose de très théâtrale avec le public. Je suis toujours dans la recherche de support.
Je crois que au début j’étais parti faire un parcours d’aventure avec mes enfants et puis ce que j’avais trouvé intéressant c’était qu’ils passent 2 heures dans les arbres, sans poser le pied par terre. L’idée de la rencontre avec l’arbre, c’était très pédagogique. J’avais qu’une envie c’était de tout enlever et de le faire en courant. Je les ai laissés, et j’ai fait le truc en courant en 20 min, donc voilà, je pense que c’est un des points de départ.
Au début de la création on est parti faire un peu tous les parcours d’aventure qu’il y avait autour de Paris. C’était assez drôle parce qu’on était sept ou huit, hors saison, et on foutait pas mal le bordel, les mecs ils hallucinaient un peu, une fois qu’ils nous avaient montré les techniques on y allait a fond.
Ensuite parallèlement on a commencé a écrire l’histoire et effectivement on ne voulait pas jouer dans plusieurs arbres ou un bosquet, on s’est dit : « on fait Une rencontre avec Un arbre ».
C’était un des axes de travail, vraiment de parler d’un arbre, que les gens, que le public regardent un arbre pendant une heure, ce qu’on fait rarement dans la vie. Le mec il passe pour un fou si il est assis devant un arbre à le regarder pendant une heure. Tu te dis il est taré quoi !
Le végétal, finalement, de par son immobilisme, ça reste un coup d’œil très court. On avait envie que le public reste devant un arbre durant une heure. A nous regarder, bien sur, mais finalement regarder l’arbre aussi. C’est un peu l’image de la fin où l’on applaudit l’arbre et que les gens se disent « il est beau... etc ».
En plus dans un village les gens repasseront devant l’arbre, et se diront « Ha ouais tu te souviens, le chêne... », on a rajouté quelque chose à l’histoire du vallon et de l’arbre. Ça c’est toute les envies de départ de notre projet.
Qui écrit ? il y a un metteur en scène ?
Metteur en scène, non... moi j’aime bien l’idée de création collective, dans l’idée que, plus c’est collectif, plus ils vont s’investir et défendre la création. Après, je réécris quand même un peu les textes, je remanie l’ordre et on se fait surtout aider par un œil extérieur. Là, c’est une comédienne qui s’appelle Hélène Savina qui nous a accompagné sur toute la création. Elle fait plus de la direction de comédien et en même temps des réflexions sur l’écriture.
Pour la maturation des spectacles il faut au moins un an avec une tournée où tu testes, puis tu refais le point... Souvent il est mûr la 2nd année mais c’est parce que ce sont des spectacles lourds où il y a énormément de technique. Nous sommes autonomes à propos du matos, la 1ère année on mettait 10-12h à démonter puis 7h au début de la 2eme année et à la fin 4h. Là cette année, dimanche on a fait notre record en 3h30.
Ça c’est un spectacle qui est intéressant dans l’économie des arts de la rue. C’est que justement c’est un spectacle qui commence à être lourd pour jouer une date dans la journée. Si on tombe sur les 3h ça peu devenir intéressant, mais il faut qu’on garde une marge au cas où l’arbre soit compliqué ou qu’il ne soit pas préparé...
L’arbre vous a-t-il déjà rendu la tache ardue ?
L’idée (et c’est tout l’intérêt) c’est la complexité du spectacle. Le spectacle à tel endroit ne ressemblera à aucun autre, parce que l’arbre n’est pas pareil, parce que le site n’est pas pareil...
Nous nous avons travaillé pour pouvoir s’adapter et rester le plus souple possible, mais c’est sur il y a des limites, des contraintes de repérage. Il n’y en pas tant que ça de villages en fait où on peu trouver un endroit idéal. Là ça fait trois ans qu’on le joue pour le Fourneau et effectivement je pensais qu’il y aurait plus de lieux. La première année c’était à Guerlesquin au Mai des Arts en Pays de Morlaix, puis au Relecq-Kerhuon pour les Pique-Niques Kerhorres en 2010 et là au Drennec pour le Printemps des Arts en Pays des Abers en 2011.
Vous avez des retours des spectateurs ?
Oui c’est ce qui s’est passé au Drennec. Les gens aiment partager ce moment de bonheur qu’ils ont eu, moi c’est pareil, quand t’as adoré un spectacle, t’as envie de prolonger le moment ou de féliciter personnellement. Ça dépend du public, de l’age, pour les garçons, c’est un rêve de gosse que de monter dans les arbres. Certains sont plus sur le coté humour, burlesque, politique, les clins d’œil que l’on fait... Après, l’arbre ça reste un sujet puissant, extrêmement fort, il ne laisse personne indiffèrent.
Connais-tu l’histoire de cet arbre qui a été encagé à Morlaix ?
Oui Claude Morizur (co-directeur du Fourneau) m’en avait parlé. Moi aussi je suis parti d’un fait divers. C’était a Grenoble il y a 7, 8 ans, ils voulaient agrandir le stade de foot et il fallait qu’ils aillent sur un parc juste à côté avec des arbres bicentenaires, tricentenaires. Et il y avait effectivement des gars qui s’étaient installés dans les arbres pendant deux trois semaines. Ils s’étaient fait déloger par le GIGN.
J’avais en tête ce fait divers là et ça c’est vraiment le deuxième point de départ et depuis on s’est renseigné et il y a pas mal d’activistes anglais, des allemands aussi, mais surtout des anglais qui s’enchaînent, qui s’enterrent...
Après on en avait rencontré un en Finistère, l’élagueur qui préparait l’arbre à Guerlesquin. Il avait participé aussi à une manif’ pour le non-démontage d’un arbre.
Ça ce sont les deux axes du spectacle : jouer avec un arbre et faire une manif’ avec le public, ce qui a été d’ailleurs un de nos gros soucis à l’écriture. C’est une erreur de jeunesse ou de metteur en scène parce qu’il y a deux spectacles dans un. Là on a eu un gros souci à l’écriture, on a mis beaucoup de temps à résoudre ces deux problèmes, à les lier l’un dans l’autre.
Là, la sauce a bien pris au Drennec, on a bien réussi a monter ensemble les deux choses.
Avec du recul, 3 ans plus tard, j’en ferai presque un spectacle à part. « T’arrives, t’as 3, 4 comédiens avec un mégaphone et un pupitre au milieu d’une foule et le but ce serait de faire partir la foule en manif. »
Des projets pour la suite ?
J’aime pas trop en parler tant qu’il n’y a rien de concret mais oui il y a des petites choses en gestation, mais c’est plus des envies qu’autres chose. Je reste prudent là-dessus.
Un grand merci a Hugues, qui est resté très gentil malgré quelques problèmes techniques !
A bientôt au détour d’un arbre !
Loeïza Renaut