Après avoir présenté leur spectacle "Tok" dans la grande halle du Fourneau à l’occasion du festival Antipodes, les artistes de la compagnie le P’tit Cirk ont encadré un stage de formation au trapèze volant, fruit de la collaboration entre le Fourneau et l’atelier MO. Patrice Wojciechowski et Christophe Lelarge étant assignés à résidence au Fourneau pendant quelques jours, je n’ai pas résisté à l’idée de leur poser quelques questions sur leurs parcours de comédien-musicien-circassien. Rien que ça ! Et on ne change pas une question qui "questionne" à chaque fois...
Quel est votre métier ?
Patrice : Je dis toujours que je suis trapéziste en général. Mais en fait, j’ai arrêté le trapèze et les tournées pendant 3 ans. Pendant cette période, je ne savais plus trop quoi répondre parce que j’avais pris l’habitude de dire simplement trapéziste. Mais depuis l’année dernière, je suis redevenu voltigeur-musicien-clown.
Christophe : Moi ça va pas être compliqué parce que c’est un peu pareil. J’ai toujours dit trapéziste parce que c’est ma formation. Mais je fais aussi de la contrebasse et je suis comédien-clown.
Parlez nous un peu de votre formation.
Patrice : On a tous les deux fait le CNAC (Centre National des Arts du Cirque) à Châlon-en-Champagne. C’est une formation sur 4 ans. La première année, on apprend la base : acrobatie, danse classique, danse jazz, et on touche un peu à toutes les disciplines : art équestre, jonglage, trapèze volant, fil, etc... En deuxième année, on se spécialise, et moi j’ai choisi la voltige.
Christophe : Nos professeurs venaient pour la plupart de l’école Le Coq. Les différents intervenants nous faisaient travailler l’art clownesque, le masque, le mélodrame, l’improvisation. Cela représentait 10 heures de cours par semaine, plus la préparation en groupe de numéros que l’on présentait en public ou devant les autres élèves.
Le CNAC dès son ouverture s’est beaucoup dirigé vers l’art dramatique, l’acteur de piste, pour redonner un essor au cirque, pour que l’on acquiert pas seulement de la technique circassienne, mais aussi des qualités de comédien.
Justement, comment appréhendez-vous ce rapport entre la technique et la comédie ?
Patrice : Après le CNAC, on a tourné pendant 2 ans avec un spectacle de trapèze volant dans lequel il n’y avait pas d’écriture dramatique, de comédie, seulement de la prouesse et de la chorégraphie. Plus tard au sein des Arts Sauts, on a commencé à intégrer de plus en plus de comédie à l’intérieur des numéros de trapèze.
Enfin, avec la création du P’tit Cirk, il nous était difficile de dissocier le jeu clownesque des numéros techniques. Ce mélange nous tenait à coeur. Dans "Tok", le spectacle que nous avons présenté au Fourneau dans le cadre du festival Antipodes, on est pas dans de la performance pour la performance, nos personnages évoluent également pendant les moments plus techniques.
Des Arts sauts au P’tit Cirk, quelle est l’évolution personnelle ?
Christophe : Notre départ des Arts Sauts à moi et Danielle (Danielle Le Pierres, autre membre de la compagnie) a été motivé par l’envie de travailler sur une forme plus intime, au sein d’un plus petit groupe. Aux Arts Sauts, on était vingt-cinq. Ca a pris du temps pour se lancer et créer notre propre compagnie, plus d’un an.
Patrice : Moi j’ai fait dix ans aux Arts Sauts. J’ai fini par être fatigué physiquement par les longues tournées et même vidé artistiquement. J’ai décidé alors de faire un vrai break, d’arrêter le cirque. J’avais d’autres envies. Encore aujourd’hui, je suis une formation en médecine chinoise. Mais je ne me jamais trop éloigné de la piste. J’ai continué à faire de la régie technique, j’ai donné pas mal de formations de trapèze volant et j’ai continué la musique.
Et qu’est-ce qui t’a ramené sur la piste ?
Patrice : Ce sont les copains qui sont venus me chercher. Quand ils ont monté le premier spectacle du P’tit Cirk "Togenn", ils m’ont demandé de venir les assister sur l’écriture des numéros aériens. Après un an de tournée de ce spectacle, Christophe et Danielle m’ont rappelé pour participer à la deuxième création : "Tok".
J’ai hésité pendant à certain temps parce qu’après 3 ans passés en dehors de la piste, je ne savais plus très bien ce que je pouvais proposer. Je savais que je pouvais encore voltiger avec Christophe, que j’avais envie de faire de la musique, mais c’était un peu la page blanche au niveau des idées artistiques. Finalement, on s’est tous retrouvé pour la création avec chacun des idées de personnages, rejoints par le musicien Philippe Ollivier.
Comment s’est passé la rencontre avec Philippe Ollivier ?
Christophe : Philippe était ingénieur du son au Carré Magique (Scène Conventionnée Cirque de Lannion-Trégor) et on l’avait croisé en 1998 à l’occasion d’une création des Arts Sauts. Les deux musiciens avec lesquels on avait travaillé pour "Togenn" avaient d’autres projets lors de la création de "Tok" et donc on a contacté Philippe.
Il faut dire que la musique a un rôle essentiel dans le spectacle. En l’absence de paroles, c’est elle qui crée le dialogue avec le public et elle participe également au rythme du spectacle. Comment s’est faite cette création musicale avec Philippe ?
Christophe : C’est lui qui a amené les idées, à partir de demandes qu’on lui faisait. Il a su intégrer notre univers. Après, ce sont des échanges, des discussions entre nous, à propos de nos envies et de ses propositions.
En 2006, j’ai pu assisté à votre spectacle « Tok » en extérieur à Plouézoc’h, dans le cadre du Mai des Arts dans la Rue, il y a quelques jours c’était dans la grande halle du Fourneau à l’occasion du festival Antipodes, on aura également le plaisir de vous retrouver à l’occasion du FAR de Morlaix, cette fois sur la scène du Théâtre, et puis vous jouez régulièrement sous chapiteau, comment se passe la transposition du spectacle en fonction de ces différents lieux ? Qu’est-ce que cela change ?
Patrice : On essaie de garder toujours cette intimité qui nous est chère. Il y a dans "Tok" une proximité importante avec le public. En extérieur, le jeu de comédien est légèrement différent parce que l’énergie a tendance à se disperser. Mais on conserve dans la mesure du possible une configuration similaire, que l’on soit en extérieur ou sous chapiteau : des spectateurs tout près de la piste, en demi-cercle, un environnement sans trop de parasite visuel. Par exemple, on ne peut pas jouer devant un supermarché avec des enseignes qui clignotent, des lieux comme ça... Il faut protéger l’univers.
Et à Morlaix sur la scène du Théâtre ?
Patrice : Cette proposition du Fourneau est très intéressante pour nous parce que le lieu est magique. Quand on a fait le repérage sur place, on avait qu’une idée en tête : trouver les moyens de faire rentrer notre décor dans cet espace, pour pouvoir jouer là-bas. Parce que cela donne vraiment envie. La disposition sera plus frontal, le public sera plus loin de nous et il y a aura aussi des gens au balcon. Ce sont des choses dont on a pas l’habitude avec ce spectacle. Par contre, en ayant joué avec les Arts Sauts et le Cirque du Soleil, on a l’expérience du jeu devant un plus grand nombre de personnes, et surtout de projeter notre jeu assez loin.
Christophe : Après la création de "Tok", on s’est dit qu’on pouvait le jouer en rue, sous chapiteau, dans des lieux atypiques, des hangars, etc... Mais on n’imaginait pas le jouer dans des salles de théâtre classique. Il se trouve qu’on a de plus en plus de propositions dans ce sens. On verra après cette première expérience dans le Théâtre de Morlaix.
Propos recueillis dans la cuisine du Fourneau par Aurélien Marteaux, le 13 mars 2007.
Merci à Christophe et Patrice de m’avoir donné l’occasion de réaliser mes premiers balancements de trapèze.
« Tok » sera présenté au Théâtre du Pays de Morlaix, mercredi 8, jeudi 9 et vendredi 10 août, dans le cadre du FAR de Morlaix 2007.
Le site de la compagnie : www.leptitcirk.fr
Photos : lefourneau.com