12 jours déjà que nous avons quitté Dijon après une petite réception apéritive aux cuisines ducales. Elle eut lieu à midi pétantes, façon de bien arroser, avant de leur faire prendre la route, les trois Peugeot J9 que la ville nous a confiés pour ce projet. Monsieur Allaert et notre ami Yves Bertheloot, respectivement adjoints aux relations internationales et à la culture, étaient présents avec leurs équipes ; quelques amis et parents proches avaient fait le crochet, probablement autant pour nous saluer et goûter le Kir et les gougères que pour écouter un des fameux non-discours de notre président Maestro...
FR3 Bourgogne était là ; nos mamans étaient ravies, elles allaient pouvoir nous voir le soir même à la télé... La presse locale aussi était là, nos papas étaient ravis, ils allaient pouvoir découper l’article du lendemain... Quand au maire de la ville, François Rebsamen, il avait l’air ravi lui aussi et nous gratifia d’une chaleureuse poignée de main d’au revoir et bonne route, tandis que sous le porche de sa mairie, les amis des 26000, en hardie haie d’honneur, saluaient le départ du convoi en braillant un ban bourguignon de toute beauté.
En quittant la mairie, on put apercevoir dans les rétroviseurs des J9 la silhouette de Francine Thomas, marraine de nos camionnettes, qui peinait à dissimuler ses larmes dans un petit mouchoir à carreaux rose et blanc, pendant que la sémillante Marion, secrétaire perpétuelle de l’Amicale de Amis des Amis d’André, effectuait une de ces danses de Saint-Guy dont elle seule a le secret.
5 heures plus tard, le convoi précédé par le R21 de Mr Romet arrivait à Villeurbanne : une invitte de notre ami Patrice Papelard à sabrer le champagne et tirer les rois au local des Invittes.
- Patrice Papelard
C’est un lieu très cossu s’il en est, surtout son bureau, qui doit cependant coûter une petite fortune à la collectivité... C’est immense... Il y a des lampes à bronzer partout afin d’entretenir son teint halé de moniteur de ski et des boules tangos qui tournent très vite au dessus de son grand fauteuil recouvert de peaux de bêtes... Il y a des miroirs au plafond, une moquette rose qu’il doit faire peigner tous les jours par un spécialiste et un orchestre de roumains qui joue en permanence... Ses innombrables secrétaires portent des tenues assez originales pour des secrétaires, mais Mr Papelard dit que ca favorise l’émulsion dans le travail et stimule la créativité...
- Pascou
En tous cas, l’équipe du C.A.ph.A.R.N.A.U.M fut bien reçue, de façon conviviale et sympathique, même si Patrice a obstinément refusé de nous laisser emprunter quelque peu de matériel nécessaire à notre mission, comme des gros coussins confortables, des boules tangos ou même quelques unes de ses secrétaires. Il accepta toutefois de nous confier quelque viatique à amener à bon port : un panier en osier ridicule contenant des gratons, du fromage sec et une bouteille vide soit disant qualifiée de pot lyonnais.
Apres cette courtoise et souriante étape, le convoi s’engagea dangereusement sur l’autoroute pour une première escale aux Tourettes où Thérèse nous attendait ses valises et son sax à la main chez nos amis de Délice Dada. En plus, sympa, elle avait préparé des spaghettis à la carbonara.
L’équipe du voyage se retrouvant alors quasi au complet, exception faite de Christian, le photographe que nous devrions récupérer à Agadir dans 5 jours plus tard... oh la la, que c’est difficile la concordance des temps ! Je crois que dorénavant, je vais tout écrire au présent...
1er soir : nous faisons donc une étape à mi-chemin entre Dijon et Sète. Jeff et Marie nous ont laissé les clefs ; ils sont partis se balader en montagne. On essaie de ne rien casser car malgré leur absence et à travers les photos, les charmants objets et l’ambiance de leur grande et belle maison, on sent bien qu’ils sont un peu partout autour de nous... même si c’aurait été encore mieux d’être avec eux en vrai. Merci à eux de nous avoir offert l’hospitalité, et à charge de revanche quand ils iront conquérir le grand nord....
- Baptiste
2ème et 3ème soirs : embarqués avec les trois J9 pleins comme des œufs et la R21 à bord du Marakkech, le bateau qui nous emmène à Tanger. La traversée va être tranquille. Boa et Thérèse conversent musicalement. Jean-Baptiste regarde la mer, Luis et Michel regardent la carte, Pascou regarde les gens et Martin regarde son texte de la ménagerie mécanique... Demain c’est sa première...
Nous voilà partis pour 3 grosses semaines de route avant d’arriver au Burkina. On a emporté avec nous des idées et de l’envie, mais aussi du confit de canard, un morceau de comté, des jerricans et des pelles, une moto, des lunettes de soleil, des roues de secours, des vélos, une tour Eiffel en plastoc, des persiennes métalliques pour le désensablage, un filtre à eau, une mobylette, quelques bonnes bouteilles, des fringues, des médocs, trois autoradios dont trois en panne, un petit compresseur, un groupe électrogène, des postes à souder, une tronçonneuse, des outils, et du fourbi sans nom.
- Michel
On a emporté aussi quelques bons morceaux de la ménagerie mécanique avec l’intention de ponctuer le voyage avec les représentations du spectacle : il sera présenté à l’Institut français de Tanger, à l’Institut français de Meknès, à l’Alliance française de Nouadibou, et au Centre Culturel français de Bamako. Ensuite, sur place, nous irons jouer aux CCF de Ouagadougou et de Bobo Dioulasso.
La ménagerie mécanique nous permettra aussi d’avoir nos objets animés comme point de repère une fois arrivés à Bobo Dioulasso, là où s’installera la résidence d’O.P.U.S. Durant presque deux mois, nous nous y installerons pour accompagner à la réalisation d’objets mécaniques et travailler à leur mise en scène avec des comédiens burkinabés. La première présentation de ce spectacle est prévue le 24 mars prochain...
Arrivée à Tanger le 9 janvier à 10H. La douane se passe en 2 heures, c’est bien joué compte tenu du bordel à bord des véhicules et des difficultés à trouver le préposé qui doit remplir le carnet ATA...
Sana et Rachid, de l’Institut français sont là et vont assurer un accueil impeccable jusqu’à notre départ ; ils nous conduisent au lieu où le spectacle doit être donné le soir même. Notre arrivée est vraiment bien préparée : la paille, les rallonges, le sable, l’occultation de la salle, tout est prêt sur place. Reste à vider les J9 et sortir les frigos...
- Martin
Nous sommes prêts à jouer 1/2H avant l’arrivée du public. Tout va bien. Martin serre les fesses. On va faire une première mémorable... On convient d’un code : si tu as des trous de texte, tu fais semblant d’être malade, à cause du bateau par exemple... Mais martin et les nausées, je l’avais oublié, c’est une vieille histoire d’amour. Il est pris de soudains renvois sonores, de gargouillis inopinés et de furieuses remontées baveuses qui vont aller jusqu’à lui provoquer un brutal évanouissement au pied même du premier rang de spectateurs...
Pendant ce temps et quelques mètres plus loin, Boa et Thérèse, devant une salle quasi complète, font de la poésie sonore...
2ème jour : la route pour Meknès est superbe. Arrivée à l’Institut en début d’après-midi, le temps d’inventer un système de chariot pour monter les frigos sur scène et le spectacles est en place. Ca démarre à l’heure mais il faut improviser et adapter en direct chaque séance avec des groupes d’enfants et du public non francophone. Martin compose de nouveaux personnages, en meilleure santé que ceux de la veille, il explore...
- Boa
Boa et Thérèse jouent au chaud dans la petite caféteria pour une poignée de curieux.
Le lendemain matin, balade dans la médina et dans le quartier des artisans. On rencontre Abdelak, un ancien employé municipal de Dijon qui se rappelle bien être monté dans les J9 à l’époque où il pavait les rues piétonnes... Fin d’après midi, la ménagerie reprend ses agitations mécaniques tandis que Boa et Thérèse égrènent quelques notes devant la même poignée de curieux. La soirée s’achèvera autour d’une bonne table avec Pierre Raynaud, du bon vin et un délicieux tajine de veau aux pruneaux .
4ème jour : on a 5 jours pour rejoindre la Mauritanie. C’est beaucoup et c’est peu si les J9 se mettent à faire des caprices : en 15 ans, ils ne sont jamais sortis de Dijon ! ce sera une sorte de baptême du goudron et on ne sait pas trop comment ils vont réagir, d’autant que plus on avancera, plus le goudron se transformera en goudronnasse, en bouts de goudron, en trous entre le goudron, ou en absence totale de goudron...
- Luis
On va traverser des étendues immenses, sur une route droite comme un i . Les paysages vont devenir de plus en plus désertiques et la vie de plus en plus absente. On y traverse parfois des concessions encore inhabitées : ces paris sur l’avenir de la future liaison routière qui permettra de rejoindre Dakar par la route vont bientôt grossir à vue d’œil et deviendront vite des villes à part entière.
On fera une étape à Oualidia, cité des ostréiculteurs marocains, une étape au sudnord d’Agadir pour choper Christian à l’aéroport, une autre à Tan-Tan puis à Boujdour avant l’ultime nuitée au Maroc, dans un petit coin du désert à quelques km de la frontière mauritanienne à se mitonner des patates en robe des champs sur une improbable cuisinière Arthur Martin, débouchant quelques bouteilles de vin devant un feu de bois flotté.
On profite également de ce tronçon pour étrenner les couchages : en repoussant un peu les cartons et les caisses de fourbi, on parvient à accéder aux quelques couchettes aménagées par Michel et Boa. Il y a aussi des tentes récupérées à Emmaüs avant de partir, ce qui occasionnera quelques sévères montages approximatifs...
Le 17 janvier au lever du jour, après avoir subi une 5ème crevaison en deux jours, nous partons pour la zône de la frontière sans roue de secours...
Pascou