Tout au long des 600 km qui nous séparent de la frontière, les bornes kilométriques ont l’air d’avoir 4 fers en l’air et le ventre ballonné. On les repère facilement au vol de vautour qui les surplombe...
Il faut dire que la route de l’espoir est empruntée, d’ouest en est et vice versa par une meute de Mercedes rutilantes, taxi-brousses bondés ou poids lourds surchargés. Elle est régulièrement croisée dans son axe nord sud par les animaux suivants, ici rangés par ordre alphabétique et non par ordre d’apparition à l’écran... : ânes, ânons et ânesses, baudets, bourricots, chameaux, chèvres blanches, chèvres noires, chèvres noires et blanches, chiens et chiennes, criquets, dromadaires, éléphants, euh, non, pas éléphants, mille-pattes, moustiques et moutons, porcs-épics, poules et veaux et zébus (lire poulzévozézébu)...
A la sortie du village d’Aleg, où nous faisons escale sous une tente mauritanienne pour savourer de la chèvre grillée avec les routiers, un joli petit coin nous tente pour poser le bivouac. Le sable a l’air dur et on repère un endroit plat légèrement caillouteux, abrité du vent et du bruit de la route par une dune. La voiture du maire s’y risque sans encombre suivie de près par le J9 de Martin. Martin est très fort en mécanique... Le sable qui a l’air dur est drôlement malin...
Remercions au passage la communauté Emmaus de Dijon de nous avoir fourni gracieusement divers matériaux indispensables comme par exemple un lot de persiennes métalliques provenant du pavillon sis au 22 rue du Tire-pesseau, 21, Dijon. Judicieusement glissées sous les 4 roues du J9 à Martin préalablement dégagées à la pelle, les persiennes métalliques du 22 rue du Tire-pesseau vont s’avérer d’excellents assistants pour un gars très fort en mécanique...
En tous cas, le passage devait être difficile, car quelques instants plus tard, c’est au tour de Michel, pourtant drôlement meilleur pilote que Martin, de demander assistance au lot de persiennes du 22 rue du Tire-pesseau. Le troisième J9, quand à lui, demeurera toute la nuit sur le bord de la route de l’espoir, avec à son bord, un Jean-Batte en décomposition avancée.
Au bord du feu, l’ambiance est bonne et les patates sautées. Après le repas, on entonne quelques réminiscences seventies, puis la presque pleine lune nous amène à chahuter dans un beau sable fin où Boa finira par enterrer les jumelles de Martin pour être bien sûr de ne pas les perdre, à moins que ce ne soit Thérèse qui pour bien faire les aurait rangées dans un endroit sûr et que Martin lui-même les aurait remisées dans la poche percée d’un sac à dos posé sur le sable juste là où Boa...
Bref, le 23 au matin, après avoir essayé les persiennes du 22 rue du Tire-pesseau sous le 3ème J9, nous prenons la route de Kiffa. Les paysages sont superbes. Dunes, canyons et premiers baobabs. L’étape du soir s’improvisera au bout d’une piste, juste au pied d’une colline rouge où pousse un petit baobab à fleurs roses.
Au réveil, on embarque un vieux mauritanien jusqu’à Aioun el Atrouss. La conversation est limitée ; avec son doigt buriné il me montre plusieurs fois la photo accrochée à mon rétroviseur. J’essaye de lui expliquer que c’est une photo de ma femme. Il me répond sans cesse « joli, très joli », mais j’ai du mal à savoir s’il s’agit de ma femme ou du cadre-cœur en plastique...
A la petite grande ville, on prend les assurances pour le Mali, on achète de la savarine parce que c’est trois fois moins cher qu’en France et on essaie de changer nos oughias contre des francs CFA. La frontière est au bout de la nouvelle route. Le douanier, véritable curiosité anthropologique, a bien les pieds sur terre au demeurant, et préfère que nous nous acquittions des droits de passage des véhicules sous forme de chemises blanches de la STRD et de paires de chaussures brillantes plutôt que de taxes d’état qui n’arrangeront en rien le confort personnel des corps habillés.
A 20 km à l’intérieur du Mali, nous décidons de quitter la route pour rejoindre le petit village de Boulouli. Ce soir c’est la lune blanche. Nous sommes accueillis par une centaine de gosses qui vont rester avec nous jusqu’à tard dans la nuit à observer les étranges rituels de notre installation : parcage de J9 en U, tendage de bâche bleue, positionnage de cuisinière à gaz, accrochage de loupiottes, rasage de poils, perchage de moustiquaires, ouvrage de boites de petits pois et éminçage d’oignons...
Petit à petit, un peu comme au spectacle, femmes et enfants s’installent face à nos activités en petit gradin naturel. Nous nous mettons à table alors que Diallo, une femme du village, nous apporte le couscous de mil. Nous ne pouvons que lui offrir en échange nos modestes petits pois extra fins.
Après le nettoyage de vaisselle s’ensuivront grattage de guitare, soufflage de saxophone et secouage de maracas... de quoi danser et chanter jusqu’à tard dans la nuit, cérémonie improvisée qui va s’achever par une incroyable procession jusqu’à la case de Diallo. Nous y prenons les trois thés en continuant à chanter ! En sortant de chez notre hôte, la pleine lune arrose le village d’une lumière étonnamment claire ; les visages se lisent comme en plein jour, la lueur contourne les cases et les silhouettes, et le retour au campement nous laisse sans voix.
Tôt le matin, après ingestion du café Sarakolé (décoction de mil), cadeaux souvenirs (j’offre mon kazoo à la chef de chœur...) et salutations de départ, le convoi se met en branle jusqu’au poste de douane de Nioro du Sahel.
Frontière après frontière, j’ai réussi à peaufiner une technique quasi imparable de passage de formalités : la présentation du nouveau carnet ATA. Extrait :
bonjour chef, ca va ? la famille ca va ? et les activités, ca va ? et la journée, ca va ?
ca va, merci, et chez vous ?
ca va, merci, ca va bien... et chez vous ?
ca va, merci. Et le voyage, ca va ? et les activités, ca va ? et la journée, ca va ?
ca va....
ca va......
sinon, a part la poussière et la chaleur, ca va, on se plaint pas, surtout qu’on a un nouveau carnet de passage, vous connaissez ca ?
ah non, jamais vu ca...
c’est le nouveau carnet ATA. Normalement c’est une formule simplifiée prévue pour vous éviter de trop remplir de paperasses, mais vous connaissez les administrations françaises ils aiment bien simplifier en compliquant ! ah ! ah ! ah !
ah ! ah ! ah !
ah oui, c’est bien, c’est une bonne idée, ca !
donc vous avez une partie à remplir là.... Si vous voulez, je vais la remplir pour vous, je commence à avoir l’habitude ! ah ! ah ! ah !
ah ! ah ! ah ! oui oui, allez y, c’est gentil d’alléger ma tâche ! ah ! ah ! ah !
ah ! ah ! ah ! ...donc, là, je vais numéroter les 74 pièces, ici je vais noter la date limite pour la réexportation ; je me mets 15 jours au cas où on aie un problème, ca vous va ?
oui oui, ca nous va...
donc, ici, je soussigné, c’est moi, donc, je soussigne ici et vous, vous avez juste à mettre un coup de tampon là et à signer aussi ici.
là ?
oui, là, merci. Il vous reste à conserver ce document que vous n’oublierez pas de renvoyer à votre hiérarchie quand vous recevrez le volet de sortie, mais je ne vais pas vous apprendre votre travail ! ah ! ah ! ah ! !
ah ! ah ! ah ! ...
eh bien, chef, au nom de toute mon équipe, je vous remercie pour votre diligence et je vous souhaite une bonne journée !
également, et bon voyage à vous, soyez les bienvenus
merci, vous aussi (...)
Peu après Nioro du Sahel, les véritables difficultés routières commencent. Une aide financière venant des Chinois, des Lybiens et de je ne sais plus qui, a permis d’entreprendre les travaux de goudronnage de la nationale reliant la frontière à la capitale malienne, Bamako. Les nombreuses porosités des pots qui servent à mettre le vin nécessaire à la signature de contrats ont eu ici quelques conséquences visibles : 300 km de jonction demeurent à l’état de piste complètement défoncée et truffée de méchants bacs à sable que nous mettrons 2 jours à franchir.
Après une série de gages amusants comme : convaincre les 19 occupants d’un rapide à pousser un J9, sortir 10 fois de suite les persiennes du Tire-pesseau le plus calmement possible, changer une roue trop serrée sous le soleil à midi, réparer un réservoir percé avec de la vache qui rit, slalomer entre les gros trous pour éviter de rejoindre les camions retournés sur le bas côté, nous finirons par atteindre la petite ville de Didjéni.
C’est là que nous retrouvons Martin, arrivé la veille pour retrouver ses amis. Il est tout propre, rasé de près et cheveux courts, il est beau comme un mécanicien jurassien. Il nous a concocté un petit repérage maison pour que nous puissions nous doucher et nous poser quelque part, mais son légendaire sens de la prévoyance et de l’organisation semblent provisoirement l’avoir lâché, et c’est au cours d’une sorte de journée en faux rythme que nous (ne) découvrirons (guère) les charmes de Didjéni...
Le lendemain, nous partons pour Bamako où l’équipe du CCF nous attend pour la représentation de la Ménagerie Mécanique de samedi. Les véhicules sont recouverts de poussière rouge, dehors comme dedans ; armés de balayettes, pinceaux, compresseurs et chiffons mouillés, nous essayons tant bien que mal de nous en débarrasser. Les animaux d’André ont souffert des trous et de la « tôle ondulée », il y a de la casse et Mr Romet semble inquiet.
Pour nous mettre à l’aise, Nicole Seurat, la directrice du CCF va gentiment nous inviter le soir même à un excellent repas chez elle, avec bon vin de Médoc, jus de gingembre, salade fraîche, pasta aschiutta con bolognese et salade de fruits maison. C’est chouette. Et pour nous mettre encore plus à l’aise, avant de décliner l’invitation, nous passons prendre une bonne douche dans nos immenses chambres climatisées du 14ème étage du Sofitel 5 étoiles... C’est chouette aussi.
Samedi 29 janvier ; petit déjeuner princier, tout à volonté, on a beau dire, même si le roi n’est pas notre cousin, mais on ne va quand même pas se gêner.
Les réparations des frigos vont prendre la journée, entre l’orang outang qui ne tourne ni ne s’agite, le homard qui se délabre, ou les poissons qui s’emberlificotent. Mais à 18H30, heure dite, tout est prêt pour accueillir le premier groupe : 40 personnes bien embarquées dans nos univers singuliers par un sémillant Nicolas Romet et un Gérard Guyon primesautier (nom d’emprunt occasionnel pour Martin, omniscient du conservatoire des curiosités...). Plus tard, les visiteurs se feront plus rares, ayant probablement eu des difficultés à déchiffrer le mode d’emploi des horaires décalés de nos visites guidées. C’est dommage.
Nous passons le dimanche comme un dimanche. Lever tard, piscine, balade au marché de Kati (où nous avions présenté le « pil 2000 » il y a 2 ans), virée en pirogue sur le fleuve Niger, bières fraîches et brochettes frites à la guinguette.
Le départ du lundi se passe comme un départ du lundi. Chargement, salutations et petits souvenirs aux amis. La voiture du maire ouvre le convoi, rutilante, suivie de près par les J9 de la ville, direction Sikasso, frontière du Burkina Faso. La route est agréable et le goudron de qualité ; nous ferons les 650 km en deux jours, histoire d’arriver le 1er février 2005 à Bobo Dioulasso.
A 8 km de la frontière, il y a une petite pancarte blanche indiquant : « chutes d’eau de Farako ». On décide de s’engager sur la piste et d’aller voir si ca ne serait pas une chute d’eau comme quand Tintin il passe dessous à la page 45 du temple du soleil. En fait, ca ressemble plutôt à l’espace plantes aquatiques du Jardiland de la route de Langres, vers la route de Messigny, avec quelques sympathiques vasques naturelles qui nous donneront l’occasion d’une petite trempette et de belles imitations du cri du crocodile. Même que si on l’avait su plus tôt, on aurait pu s’offrir un magnifique lieu pour notre dernier bivouac.
Mardi 1er février, 17H30, arrivée au CCF de Bobo attendus par Laurent Bardoux, son directeur, et Yves Ollivier, celui de Ouaga.
« Une bras cassé ! », tel est le mot du président, réclamant par cette onomatopée toute personnelle la toute première bière fraîche brassée locale du nom de Brakina.
jeu gratuit !
A propos de mot du président, évoquons ici le chiffre du président : c’est Luis Maestro le président en personne qui fera office de maître Capello pour notre grand jeu de février « devine combien qu’on a fait de kilomètres ? »
Envoyez vos réponses sous pli cacheté à SVP Roger Lago, 26 rue Cognac Jay ou par internet à Dabeliou, huissier mandaté du Pourneau de Brest et de l’ouest. Le gagnant sera celui qui donnera le kilomètrage le plus juste ou approchant.* (*règlement sur simple demande. Ce jeu est interdit aux membres du C.A.ph.A.R.N.A.U.M et à leurs proches parents et aussi à Martin qui est fort en mécanique et qui connaît aussi les chiffres qui sont écrits sur les compteurs grâce au ticket de la vidange) |