Où en étions nous ? Ah oui, le 17 janvier au lever du jour, après avoir subi une 5ème crevaison en deux jours, nous partons pour la zone de la frontière sans roue de secours... Il y a deux ans, ce tronçon se faisait encore en convoi accompagné par les militaires, mais aujourd’hui, la liaison s’est débridée et on roule peinard sur une longue route de bord de mer qui débouche sur un poste de douane fantôme.
- Visite aux épaves
Les douaniers déprimés par leur mutation au sud posent peu de questions sur notre chargement. L’un d’entre eux demandera quand même à vérifier les pièces mentionnées sur le carnet ATA ; nous décidons de lui présenter un des animaux de la ménagerie : le scarabée savant de Jean-Baptiste Gaudin. Quelque peu interloqué, le fonctionnaire appelle ses collègues. Nous leur expliquons alors que pour voir la bestiole en action, il faudrait l’alimenter avec du 220 monophasé avec un niveau d’impédance constant et régulé et une fréquence comprise entre 300 et 425 hertz (...)
Nous rechargeons in petto l’animal impuissant puis faisons tamponner les formalités à la lueur de la lampe à pétrole réglementaire...
- Les j9 dans le désert
Entre les frontières marocaines et mauritaniennes, il existe aujourd’hui un no man’s land d’une dizaine de kilomètres : c’est une piste sans grandes difficultés, garnie d’ornières et bancs de sable qu’il faut franchir prudemment, rapport à pas mal d’impondérables comme, en vrac et dans le désordre : la garde au sol relative, les suspensions peu adaptées, la surcharge pondérale, ou l’absence totale de roue de secours...
Un convoi de jeunes chefs d’entreprise retraités en 4X4 nous dépasse suffisamment ; nous les rattrapons à la douane mauritanienne, au lieu dit « le bouchon », autrefois surnommé ainsi pour ses difficultés infranchissables.
Là, grâce à une sorte d’ambassadrice de charme blonde et bien proprette, ils pensent faire viser leurs passeports rapidement, mais... la différence entre un convoi de jeunes chefs d’entreprise retraités 4X4 et un convoi de phabricants en J9, c’est que les premiers ne possèdent pas de consul... Grâce à Denis Meunier, directeur de l’Alliance Franco-Mauritanienne et consul honoraire, les formalités deviennent une formalité et nous entrons crânement en Mauritanie !
Nous empruntons les 60km de piste qui nous séparent de Nouadhibou et arrivons sur le coup de midi à l’Alliance ou nous sommes invités à déguster un excellent tiéboudien par Catherine, la femme du jeune consul. L’accueil est à la bonne franquette, en famille ; c’est une maison ouverte et nous y sommes comme chez nous.
- Ho hisse la saucisse
Nous allons poser les J9 au camping auberge Abba et Michel nous fait le coup du banc de sable au milieu de la cour, pile poil dans l’espace enfants du gérant... le lendemain nous serons obligés de mettre les plaques pour sortir de là. Joli coup, Michel est très fort en pilotage dans le sable !
Puis à 3heures du matin... qui donc s’abat sur Nouadhibou ? (Kidonssaba Surnouadibou... ca ferait un beau titre de chanson pour Boa, faudra que je pense à le lui dire...). Donc, reprenons, qui donc s’abat sur Nouadhibou ? La PLUIE.
Nous décidons donc d’installer la ménagerie pour un soir dans les anciens appartements de l’ancien consul, à l’abri des anciennes gouttières ; nous déversons quelques brouettes de sable sur le lino et sortons les chaises sur la terrasse couverte. Une bien belle soirée comme on dit, avec un public copieux et content d’être heureux. Martin profite du prestige du lieu pour poursuivre ses explorations avec brio et n’est presque pas malade.
Le lendemain, le même lieu est transformé en salon de musique pour le concert ; tapis chamarrés, nattes en plastoc, banquettes basses cossues, manquent que le thé et les odeurs d’épices... Boa et Thérèse sont en pleine forme et terminent en invitant à chanter avec eux Djibril, le loueur de sono qui chante comme un noueur de solo...
Réveil à 6h30. Nous souhaitons arriver à Nouakchott le soir même, il paraît que c’est désormais possible, la future route étant en grande partie ouverte. Il y a 550 kilomètres dont environ 200 de sable et de tôle ondulée, mais la piste est bien lisible et il n’est plus nécessaire de prendre un guide.
Après avoir fait les pleins d’eau et de carburant, nous reprenons donc les 60 km de piste à la sortie de Nouadhibou, puis entamons un joli goudron tout neuf près du Banc d’Arguin. La route longe une voie ferrée qui permet d’acheminer du minerai de bauxite depuis Atar grâce à un train de 3 km de long ! Nous avons la chance de le croiser, mais, oh déception, l’usure des rails a obligé la compagnie des chemins de fer mauritaniens a le réduire d’une centaine de wagons ! Ce ne sont que 2 petits km de convoi qui vont défiler sous nos yeux quand bien même esbaubis... (J’ai fait une petite vidéo mpeg d’environ deux mégas... or, je ne vois vraiment pas comment la faire parvenir à Mr Dabeliou sinon à dos d’âne... Arrivée prévue du train fin août...)
Durant la première partie de piste sablonneuse, nous félicitons la pluie de nous permettre de rouler sur des traces bien tassées ; pas d’ensablement, pas trop de touchettes. Martin décide malgré tout d’enlever « le poddèche de son J9 » avant de ne l’arracher. Michel, qui est drôlement meilleur pilote que Martin, laissera courageusement le sien caresser les petites tas de sable...
- La voiture du maire
Vers midi, on improvise une étape pique nique et je tente de poser la voiture du maire sur le sommet d’une dune pour en faire une table basse... C’est très tendance dans les désert. Le problème avec les tables basses, c’est pour les faire repartir. Martin, qui est drôlement plus fort que Michel au niveau des muscles, réussit à la sortir presque tout seul, sans même se rendre compte que j’appuie fort sur le frein en accélérant à vide pour mesurer sa vraie force...
14 heures. Il commence à faire chaud, bien chaud, même dans les bouteilles d’eau.
Nous retrouvons la route flambant neuve sur 200 km avant le dernier tronçon de tôle ondulée qui permet d’atteindre la capitale. La tôle ondulée, d’après tout le monde, pour y rouler, il y existe deux solutions : soit tu passes lentement, soit tu passes vite... Cette théorie s’avère assez exacte, mais comme la fin d’après-midi approche, après avoir tenté la première nous choisissons la deuxième.
Elle va permettre certes d’arriver plus vite mais occasionner également quelques conséquences amusantes comme des dévissages de boulons, des extirpations de galerie, des arrachages de silentblocs moteur (mais Martin est drôlement fort en réparations de pannes de mécanique en tout genre...), des descellements de plombages, des martelages de systèmes nerveux, et j’en passe.
Comme pour préparer à l’arrivée d’un éventuel cortège présidentiel, le goudron va reprendre ses droits à l’entrée de Nouakchott par une 4 voies baignée d’éclairage public et ponctuée de NEG* impeccables mais encore vierges de l’inspiration débridée du directeur local du service des espaces verts... (*Nouveaux Espaces Giratoires)
A ce propos, le Conservatoire des Curiosités aimerait commencer à établir une carte de France des « CURIOSITES GIRATOIRES » ; cette idée me tient à cœur depuis longtemps et je me permets de profiter de cet espace de parole pour vous suggérer de transmettre à Dabeliou vos informations iconographiques et littéraires afin qu’il les regroupe sur une jolie carte géographique en plastique, comme celle de nos cahiers de géographie... Ainsi, en cliquant sur les différents liens, chacun pourra accéder directement aux photos commentées des plus splendides NEG enregistrés au registre des « CURIOSITES GIRATOIRES ». Gageons que cette initiative puisse contribuer à hisser un jour ces nécessaires inepties circulatoires au modeste rang des accessoires indispensables de notre patrimoine ... (fin du communiqué).
23/02/05, message de Dabeliou : Le site des Curiosités Giratoires est ouvert
- Nouakchott
Nous faisons étape au CCF de Nouakchott, installons le bivouac dans la cour et dégustons quelques brochettes à la cafète. Le directeur, Jérôme Bois, a eu la gentillesse de mettre à notre disposition le studio de passage, bien agréable pour se faire un jus et se dépoussiérer la carcasse.
Le lendemain, Thérèse, en mal de contact avec la population, propose que nous passions la journée à la capitale. A part Martin qui souhaite arriver au plus vite à Didjiéni (une sorte de paradis idéal qu’il ne cesse de nous vanter depuis environ 6 mois...) et Janbatte qui se pâme dans un J9 après s’être ensoleillé gravement en soudant tête nue sur le toit, nous on dit : « chouette Thérèse ! bonne idée, on est d’accord ! »
Inventaire non exhaustif de cette courte villégiature mauritanienne : 1 séance matinale de recalage, rangeage, bricolage et dépoussiérage, 1 soudage de galerie à la Janbatte, 4 porte-voix avec séquenceur et 5 moustiquaires chinoises, 8 repas au phénicien sous une fresque représentant les falaises d’Etretat probablement peintes avec les pieds par un malvoyant, 1 photographe officiel, 34 adoptions momentanées d’enfants par sœur Thérèse, 1 bain de Boa, 1 vrai beau coucher de soleil de bord de mer au milieu des pirogues décorées des pêcheurs, 8 kebabs sur la rue de la jeunesse moderne, 1 grille fermée au retour au CCF, 1 gardien incorruptible et 1 bivouac improvisé sur un joli coin de plage.
- Photographe officiel
17ème jour l’aube, cap à l’est direction Aioun-el-Atrouss, la ville frontière avec le Mali où nous espérons entrer le 24 janvier pour arriver à Bamako le vendredi 28 au matin afin de réparer et d’installer le patrimoine d’André et de disposer d’un peu de temps pour découvrir la cité idéale du phacteur Martin, dit « le petit griot ».