Le Fourneau, Carnets de Voyage
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[Port de] L’impossible retour

lundi 10 avril 2006, par Raphaël

- Tu t’appelles comment ?
- Bacha
- Ca fait longtemps, Bacha, que t’es à Brest ?
- Ben, trois ans et demi
- Et avant, t’étais où ?
- Ben, dans mon pays
- C’était où, exactement, qu’t’habitais ?
- Ben, où est la Russie
- Et tu as quel âge ?
- Ben, douze ans
- Et t’es retourné là-bas, depuis que t’es à Brest ?
- Non
- ça change beaucoup, de venir ici ?
- Ben, bien sûr. En fait, y’a la langue qui change, d’abord. C’est pas la même langue. C’est pas la même ville. Et c’est pas la même habitude, comme y’a en France des réglements, y’a là-bas des autres réglements. Tout ça, ça change tout.
- Comment tu as été accueilli, ici ?
- Ben, bien ... On m’a soigné, on m’a donné de l’argent, on m’a donné tout. J’suis content d’être ici.
- Et alors, ici, tu viens souvent ?
- Et ben bien sûr. J’habite à côté.
- Et tu viens faire quoi, ici, du coup ?
- Ben je m’amuse à dessiner, à faire des ... à faire
- des sports, quand même, sauter par les fenêtres, tout ça. Ah, je m’amuse comme ça, avec mes copains. On vient jouer cache-cache, tout ça. On est sept, huit, comme ça.
- Tu rencontres qui ici ?
- Les gens qui dessinent ici ! Qui graphent. Ben, je demande comment ils font, des trucs comme ça. Bon après, j’ai, j’aime bien moi aussi j’ai essayé. Sur les murs où y’a rien dessiné. Ah, j’arrive pas. C’est la vie.
- Et alors là, vous étiez en train de jouer à quoi ? ça a l’air super, là, votr’truc.
- On s’amuse à balancer des trucs sur eux. Il faut attraper. En fait, il faut que tu balances, et tu dois attraper. Lui, il tire le corde, vite qu’il peut, que moi je dois pas attraper.
- D’accord. En fait c’est un bidon attaché à une corde
- Ouais.
- Tu l’as trouvé où ?
- Ben, ici. Là c’est facile à trouver tout qu’c’qu’on veut. La nuit on s’amuse. On fait qu’est-ce qu’on veut, ici.
- Tu trouves quoi, par exemple.
- Je trouve des choses, par exemple, qu’on peut jouer avec ça.
- C’est quoi ? Montre-moi, si tu veux
- Non non, en fait, on s’amuse à lancer, comment dire déjà, arrh... comment on l’appelle, le truc pour colorier, là ?
- Les bombes ?
- On s’amuse à balancer les bombes.

Interview sur la friche industrielle du [Port de], par Raphaël. Dimanche 09/04/06


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La Criée, 10/04/06, 14h30

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« On était avec Guy Tigana, un copain, le siège de Brest venait juste de finir. Je dis : Guy, qu’est ce qu’on fait ? je lui dis Guy, on va faire une virée ? Allez boom ! Piqué le vélo de ma mère, lui il avait un vélo aussi, on est parti tous les deux à St Pierre. Là, on a vu des trucs... des chevaux, des chevaux à moitié enterrés, les quatre pattes qui dépassaient. Dans les blockhaus, y’avait des américains qui étaient là, appuyés au talus et avec la carabine avec eux, leur fusil, je dis c’est bizarre... ils étaient morts, ils étaient restés tels que quoi.

Un coup on rentre dans un blockhaus, je fous un coup de pied dans une couverture qui était à l’entrée, y’avait un allemand dessous. Alors on se servait en arme, on choisissait ! un Moser tout neuf ! des balles ! des grenades ! ça n’en manquait pas ! Jouer. Mis une grenade tu sais, au fond du champ et du blockhaus on essayait de faire péter la grenade ! On avait voulu changer de champ et d’un seul coup je vois un panneau, je dis à Guy, oh, c’est ou qu’on va ? C’était un champ de mine ! Je dis à Guy, allez hop ! marche arrière ! Y’avait le panneau avec la tête de mort tu sais ? On a pris exactement le même chemin que... je dis à Guy, joue pas le con, reste reste. On trouvait des morceaux de chairs de bonshommes partout, moi j’avais été voir, tous les gens ramassaient... tous les gens... enfin ceux qui étaient là quoi. Ramassaient... moi j’avais trouvé une jolie botte, mais dans la botte y avait ... le pied... »

Interview de Pierre LAMOUR par Estelle


Une échappée belle ... retrouver la ligne verte de mon chemin parcouru le temps d’un dimanche... les empreintes des proches pour une ballade ensablée... ma famille d’ici quand je ne suis pas là-bas... c’est où là bas ?... c’est chez moi ici ?

Territoire étrange des couleurs telluriques quand elles ne sont pas grises... quand mon esprit n’est pas brumeux non plus. Je regarde mon ombre qui parle et joue avec les silhouettes que j’ai quittées il y a un an.

On se retrouve sur un autre voyage bien lointain ; l’Inde. Paroles déliées de l’amitié qui racontent l’expérience d’une foulée en terre d’Asie et les endroits des ombres croisées. Je suis bien loin du port de Brest, de Marseille, de l’Espagne, d’Aurillac... et toutes ces villes.

Aujourd’hui, je suis ici, passeur de mes histoires d’ailleurs, et je dévore celles des amis restés. Tourner des pages et aller de l’avant pour se retrouver à nouveau plus tard...

L’heure du retour s’annonce, j’ai sommeil et je suis heureux à l’idée de rejoindre mes compagnons de cette drôle d’aventure qui nous rassemble à Brest. Je suis heureux et épuisé, alors je m’endors dans la ville d’en bas.

Anthony


Aujourd’hui, tu le sais, c’est le jour où il faut arrêter, arrêter la course, dire à tes jambes qui te portent sur la limite des rives du port, qu’elles reprennent leur rythme cadencé.

Aujourd’hui tu sais qu’il faut calmer le battement de ta veine à la naissance de ton cou, qu’il est temps de fermer la porte, et d’ouvrir tes mains.

Tu sais que c’est à toi de parler maintenant. Fermer tes oreilles pour ouvrir ta bouche. Mais tu résistes, tu tiens la barre, tu t’accroches aux pylônes du port qui ont retenu ton attention comme l’eau verte qui clapote à laquelle tu voudrais boire.

Tu résistes encore, tu n’as pas tout vu, tu devines seulement, l’esquisse. Tu regardes le fond de l’eau, en équilibre sur la digue. Tu voudrais plonger, à défaut tu trempes ta tête dans un seau d’eau. Ca te fais du bien, mais tu voudrais descendre encore.

Tu résistes et puis tu finis par dire d’accord. Tu dis d’accord , j’arrête la course, je ferme la porte, je passerais par la fiction pour redessiner vos visages, vos lieux, j’en dessinerais tous les contours, de mémoire .

Maintenant tu t’es arrêté , tu regardes le port, et tu crois voir se superposer derrière la tôle d’un container, le visage de Christelle et celui de Pierre Lamour tenant dans ses mains une botte de cuir noire avec un pied dedans.

Tu étais quatre...

Estelle


Je me suis réveillé à la criée entre 22 tonnes de poissons qui étaient en train d’être trillées. Chaque poisson avait une petit étiquette avec le nom du bateau. La majorité du poisson part pour l’Espagne. Sur le trajet son prix augmentera du triple. De l’Espagne après être coupé en filet, il repart pour Rungis et après pour tout les grands restos d’Europe. Ca fait un joli voyage pour un cadavre.

Le CPE est retiré, mais Berlusconi tient encore : pour l’instant l’Italie est ingouvernable, il n’y a pas de majorité. ça me fait mal au ventre...

Le passeur du passeur est très pressé, il me donne rendez vous dans un café, mais il m’attend déjà dans le bateau. On va finalement voir la digue.

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Heureusement qu’Yffic.org, est avec moi, parce que le passeur du passeur, vraiment c’est une autre planète. la digue : entre mer et port. la digue c’est la frontière, là où toute la poubelle du monde qui flotte reste accrochée. Le passeur du passeur raconte sa vie sur le bateau, je capte un mot sur trois.

Bernadette Chirac est la marraine d’un bateau. Je ne savais même pas que les bateaux avaient des marraines, et puis l’histoire d’un coiffeur de la marine qui est le seul qui peut pêcher dans les eaux du port.

Le passeur du passeur aussi était coiffeur, mais je n’ai pas compris la liaison avec la pêche.

Il fait toujours beau quand on perd des élections, la lune ce soir est magnifique, elle n’a pas écouté la radio. Ce ne sera qu’une défaite de plus.

J’ai quand même ouvert le champagne, cette nuit je vais me saoûler.

Pablo

3 Messages de forum

  • [Port de] L’impossible retour 11 avril 2006 16:26

    Un salut de retour

    Salut les gars et les filles du port.
    C’est de plus en plus beau ce que vous nous expédiez, comme une douceur à mer, qui nous envahit par caresse successive.
    Le plouc de plourin

  • [Port de] L’impossible retour 11 avril 2006 21:43

    Le port, tu dors

    A plourin, on est cool, dans les temps, avec une vraie sérénité qui se dégage de notre esprit d’équipe !
    Et pour vous, ça va ? Pas de panique ? Si vous avez un problème avec flash, spip, snooze, wave, meug et aware, n’hésitez pas contactez nous ! On est open.

    Le plouc de plourin

    • [Port de] L’impossible retour 12 avril 2006 09:54, par estelle

      Le port ne dormait pas, mais la page est disponible sur le site d’Aurillac ! Comme vous pouvez voir, on vise haut !!!!!oh ! oh !
      Mais notre Yffic va nous remettre à notre place dès ce matin...
      Eh oui !
      En revanche, on ne flashe pas, on décadre et on sort l’image de son suport N’tic ! Tic , tic, tic...
      Bonne journée...

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