Le Fourneau, Carnets de Voyage

SOUSSE ET LA PLUIE

Jeudi 8 mars 2007

mardi 13 mars 2007, par Jean-Baptiste Magnifique

Les hôtels internationaux s’agglutinent sur le front de mer, comme dirait notre ami lapin, et le boulevard maritime s’écoule très large et rectiligne, bordé de ses inévitables palmiers et de sa promenade longeant la plage. Image de carte postale : le tourisme triomphant s’affiche dans toutes les langues et des calèches fleuries de bouquets en plastique se glissent dans le trafic, tirées par de vieux chevaux las. Un paysage déjà connu, tant de fois rencontré, tant de fois évité, avec son modèle exportable, ses vitrines de faux luxe, son pittoresque fabriqué. Une jolie médina, c’est vrai ! Avec ses étalages débordant de souvenirs et d’objets orientaux comme une immense supermarché de l’imagination au coeur historique de la ville, alibi tunisien d’une station de nulle part. Ici, on est à Sousse, c’est à dire en Pologne.

Incorrigibles rêveurs aux images confortées par une agréable semaine de températures estivales, on imaginerait qu’à Sousse il ne pleut pas souvent, que les orages durent peu, qu’ils ne font que passer en un déluge spectaculaire rapidement oublié. Mais voilà qu’à l’encontre de toutes les idées reçues, la pluie vient perturber notre unique journée de congés sans déplacement, ni changement d’hôtel. Et surtout, voilà qu’elle s’attarde, qu’elle insiste, qu’elle s’accroche au ciel gris avec la persistance d’une grasse ondée de Normandie. C’est son jour de congés : elle s’en donne à coeur joie. Elle ruisselle dans les venelles du souk, déborde des égouts, inonde chaussée et caniveaux. A son imitation, le vent se mêle à la fiesta. Il décoiffe les palmiers, chahute les grues de chantiers et réveille les vagues qui se fracassent sur la plage déserte. Impossible d’envisager la moindre promenade. Impossible même d’envisager la moindre activité d’extérieur. Condamnés à rester dans le complexe d’un hôtel gigantesque dont on n’épuise pas l’ennui, l’insidieux dégoût des vacances mais qui offre malgré tout toutes les commodités pour supporter les affres de ce repos forcé. Mais parce qu’on est et qu’on demeure d’incorrigibles rêveurs, on se plaît à imaginer qu’une seule nuit suffira à chasser le mauvais temps.

Pourtant, une nuit ne suffit pas. Le lendemain matin, le ciel est toujours aussi sombre et les palmiers aussi secoués. La pluie n’en finit pas de s’amuser de notre réclusion, de nos attentes inutiles et de nos inquiétudes sans réponse. Pourrons nous jouer comme prévu ? Sera-t-il possible d’envisager une solution de repli, même très modeste et très partielle, privilégiant l’art d’une rencontre à la rencontre de l’art ? Attendre... Rôder dans les couloirs, s’installer dans le hall, attendre. Pour apprendre qu’en fin de compte, rien ne paraît possible. Pour la troisième fois depuis la création de la famille Magnifique, après douze ans de tournée, nous sommes obligés d’annuler une représentation. Pour cause de mauvais temps. En Tunisie : ça ne s’invente pas.

HAMMAM SOUSSE samedi 10 mars 2007

Ce matin, la pluie a enfin cessé, le vent s’est calmé mais le ciel demeure assez gris et la mer agitée. La tempête s’éloigne. Au pied de l’hôtel asqtucieusement nommé Dreams Beach, la vision n’est pas très glorieuse. Les vagues roulent sur la plage encombrée de débris, un conteneur à ordures est couché sur le flanc et des flaques d’eau envahissent le parking. Dans la salle de restauration déserte, à l’éclairage plutôt blafard, une femme de ménage passe la serpillière pendant le petit déjeuner. Cérémonie lente et paresseuse. On avale un café au goût épicé et on se réfugie dans le hall. Silencieux lui aussi. Les cendriers débordent, l’odeur de tabac froid en est presque écoeurante mais le barman s’active pour nettoyer les tables. Il fait frais, on se sent fatigué. On espère que l’amélioration va se confirmer dans les prochaines heures. Ca fera du bien de jouer. Puisqu’on est là pour ça.

4 Messages de forum

  • SOUSSE ET LA PLUIE 20 mars 2007 17:13

    Bonjour,
    je vous ai lu attentivement car nous serons a Sousse, justement au Dream beach hotel le 29 mars 07, la température ne semble pas clémente, nous arriverons du Québec (canada) ou il fait en ce moment - 15 C , j’espère que la température se réchauffera à Sousses d’ici là.
    Comment trouvez-vous l’hotel et la nourriture ?
    Vous semblez être des artistes, vous , vous présentez-vous et que faites vous ?
    Merci de prendre quelques minutes pour me répondre.
    Louise

    • SOUSSE ET LA PLUIE 21 mars 2007 08:18, par Jean-Baptiste Magnifique

      Chere Louise

      Mes petites remarques climatiques n’ont, bien sûr, aucune valeur scientifique : elles ne font qu’essayer de décrire les humeurs d’une tournée . C’est dans ce cadre professionnel que la famille Magnifique, troupe de théâtre itinérant a passé une quinzaine de jours en Tunisie où elle a rencontré le public tunisien et le temps tunisien dans leur plus grande diversité (du soleil à Kairouan à la tempête à Sousse). Tout cela sans chercher à en tirer la moindre leçon à usage touristique. Mais je vous invite à lire l’ensemble de cette chronique qui répond, je le crois, à votre curiosité. Quant à l’hôtel, il est modeste au regard des plus prétentieux qui nous ont hébergés. A cette saison, vous y trouverez le calme, une longue plage où vous promener sans risquer de piétiner les serviettes, un personnel avenant et une nourriture assez correcte. Toutes les chambres ont vue sur mer et pour peu que le soleil revienne, vous profiterez de votre balcon. Je vous le souhaite de tout coeur. Juste une dernière information : Hammam Sousse est assez éloigné de la vieille médina, si vous devez prendre un taxi, le tarif normal est de trois dinars.

      Bonnes vacances !

      • SOUSSE ET LA PLUIE 21 mars 2007 12:55

        C’est gentil d’avoir pris quelques minutes pour me répondre, si je comprends bien, vous serez pas en Tunisie lorsque nous arriverons, vous êtes de quelle nationnalité ? La vie vous amène où maintenant ?
        Dommage car on serait sûrement allé vous voir et vous saluer.
        Merci beaucoup pour vos conseils. C’est gentil.
        Que la vie vous apporte que des belles et bonnes choses.
        Un bonjour du Québec

  • SOUSSE ET LA PLUIE 24 juillet 2007 13:46, par myriam a.

    Bonjour, j’ai lu votre article sur Sousse.

    Je vous ai trouvé très dur à l’égard de cette ville dans votre description. Je connais bien cette ville, et l’impression que m’ont données vos lignes, c’est que vous n’avez pas cherché à la ressentir, malgré que vous ayez pris la peine d’écrire un article à son sujet. Oui, ces buildings sont sans goût, et on cassé le front de mer, oui, ces chevaux usés et squelettiques font de la peine à voir, comme ces fleurs de plastique ridicules.

    Mais Sousse ne serait pas Sousse sans ce gôut de tiers monde, sans ces plastiques et réclames criardes, sans ces poubelles nauséabondes. C’est une partie de Sousse, tous ces touristes qui donnent à l’air une odeur de crème solaire tenace, c’est une partie de Sousse que ces déchets qui jonchent la rue, c’est une partie de ce que Sousse est, ici et maintenant.

    Sousse n’est pas une merveille. C’est une ville, qui a sa saveur, si l’on daigne s’y intéresser.

    Je n’évoquerai pas tous ces endroits pleins de charme dont vous n’avez pas parlé, et que n’avez sans doute pas eu l’occasion de visiter : tous ces batiments coloniaux, traces de la présence française, et qui ont une certaine valeur esthétique, de même que certaines villas d’époque. Vous avez évoqué la vielle ville, et comme vous dites elle est "sympa", et peut être même un peu plus.

    Vous y rencontrerez des femmes dans leur safsari blanc qu’elles retiennent entre leurs incisives, à la démarche chaloupée, penchant du côté de leur couffin, vous rencontrerez des enfants criant à tue tête se disputant une balle de football, vous croiserez des chats féroces, tout cela au milieu d’un puzzle d’habitations blanches et bleues pour les portes et fenêtres, marron et jaune aussi.
    Dans la vieille ville, vous rencontrerez aussi un marabout occupé par une famille ayant désiré s’étendre. Vous visiterz peut-être le magnifique musée du phare, tout en haut de la médna, un bâtiment à l’architecture islamique d’après la conquête du pays par les arabes et renfermant des merveilles de sculptures et de mosaïques romaines. Et si vous vous perdez dans les dédales de la médina, vous risquerez peut être de tomber sur un café où des dames d’un certain âge fument au milieu d’hommes - chose fort inhabituelle en Tunisie s’agissant des cafés traditionnels - et là vous saurez que vous êtes aux abords des maisons clauses - terribles pour moi qui suis tombée dessus encore enfant - et des files d’attente de vingt personnes devant chaque porte pour visiter une dame.

    Les marchés de la ville méritent aussi le détour, là où l’on croise des vendeurs de légumes moustachus ou balafrés, où l’odeur du poisson fraîchement pêché se mêle à celle de la menthe, et tous ces cris qui fusent de toutes parts pour héler le client, et tous ces marchandages, et toutes ces tromperies sur le produit et le prix, et les cris stridents des poulets qu’on abat...

    Affreux pensez-vous ? Non. C’est la vie. C’est le goût d’une ville. Avec son charme immédiat comme son esthétique de second degré... A moins que la démarche soit purement consumériste. Ah oui, alors les hôtels vous auront bien compris, ils vous proposeront des circuits dans le sahara et à Djerba, ainsi que des plages privées, où votre regard ne croisera que sable blanc et mer bleue.

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