Le lycée pilote de Kairouan est posé en périphérie de la ville où commence la plaine désertique et des troupeaux de chèvres viennent brouter jusqu’à son muret d’enceinte. Sur le terrain de sports réduit à sa plus simple expression, le camion théâtre se ménage la plus large zone d’ombre. Deux cents chaises en plastique s’alignent en silence dans le bourdonnement de l’après- midi et rien ne semble devoir troubler le calme des études. Néanmoins plus d’une demi heure avant la représentation, les premiers spectateurs sortent des salles de classe et un concert improvisé s’organise pendant l’installation du public. Un public de qualité, sensible à toutes les nuances et tous les attendus du texte. Quelques gamins du quartier s’y mêlent, plus soucieux de se disputer les chaises ou de chaparder nos dépliants que de suivre les mésaventures de Pinocchio ou d’Alice. De cette représentation, petit bijou de pertinence et de subtilité, on se souviendra du lapin d’Alice s’éloignant ballon de foot au pied, des frémissements et des commentaires accompagnant l’entrée du loup et les répliques osées du petit Chaperon rouge. A la fin du spectacle, après la séance de dédicaces et de photos de groupes sur le plateau, plusieurs jeunes filles s’attardent dans la cour pour échanger avec les acteurs. “Vous nous avez fascinées, disent-elles.” La réciproque n’est pas loin d’être vraie.