Les Rias, Carnet de voyage en Pays de Quimperlé
Vendredi, soirée. On prend les mêmes, on en ajoute et on recommence !
Vendredi 31 août, journée - Quimperlé, Le Trévoux
17h32, Le Trévoux
Le site du bord des étangs est immense et déjà investi par un large public. Ici, la soirée des RIAS se prolongera autour des barbecue allumés par les associations, au son des groupes de musique. Une façon, après la fête des arts de la rue, de compenser l'annulation de la fête de la musique qui n'avait pas bénéficié, en juin, du même soleil. Un étrange personnage guide la marée humaine, à Petit Pas, à travers le parc.
Il finit par s'installer devant le piano, près de la scène où 3 vieilles nous attendent. D'ailleurs, elles n'attendent pas que nous. Coincées (depuis combien de temps ?) devant la porte fermée du Paradis, au bout d'une course dont les souvenirs se sont estompés, elles attendent la fin de leur histoire en prenant à témoin un public immobile comme la mort, captif de découvrir ce qui l'attend, lui aussi, un jour ou l'autre.
Dévoilé pour la 1re fois au public au Trévoux, « Chairs vieilles » de la compagnie A Petit pas transporte chaque spectateur, avec beaucoup d'émotion et au-delà du disible, sur la dernière marche de son échelle… de la vie ! J'en pers la tête et ma moitié mi-humaine a pris le dessus sur la Chimère. Au milieu des chauds applaudissements du public, je change d'espace et d'univers pour me retrouver, « Entre Serre et Jardin » en compagnie de l'Atelier Lefeuvre et André. Ces deux-là, entre nonchalance et excès de zèle, ont en commun une poésie que leurs corps, et surtout leurs regards, suffisent à exprimer.
Rapidement, ils m'entraînent dans un tourbillon d'objets manipulés et dévoilent leurs talents d'artistes dans un numéro de précision auquel la foule, massée sur le gazon, répond parfois par des cris de stupéfaction et, toujours, par un ébahissement collectif devant une telle beauté, du geste, de la technique et de l'humour que seuls les arts du cirque permettent d'exprimer sans dire un mot.
Après ces 2 purs instants de bonheur au Trévoux, je laisse la musique emporter la foule et pars naviguer vers Quimperlé où m'attendent les spectacles déjà programmés hier mais auxquels je n'ai pas encore assisté.
20h03, ville-centre
Quelle agitation ! Ici, les gens se croisent, déambulent, le petit livre rouge du programme du Festival à la main. Rouge, c'est aussi la couleur de la petite voiture qui vrombit sur les pavés menant à la ville-haute, suivie par un petit personnage intrigant. Mi-femme, mi-lutin malicieux, elle conquière la cité dans ses moindres recoins, craquant d'émotion pour la moindre fleur rouge, grimpant, sautant, courant sans cesse, à la recherche de sa couleur fétiche dont, finalement, la ville regorge.
Quimperlé-la-rouge se dévoile au spectateur séduit par tant de poésie et la couleur est, finalement partout où le regard se pose. La poésie de la compagnie rennaise Rouge, n'a « Petit » que de nom, tant c'est grandiose.
A la sortie des pavés, je tombe nez à nez avec des filles qui ont l'art et la manière de faire chanter le Goudron, et de le décaper, voire de le ravaler par les mille touches multicolores de la foule qu'elles entraînent dans leur (micro)sillon.
Au hasard des rues, les comédiennes-chanteuses improvisent des scènes où leur art vocal n'a d'égal que leur savant délire. C'est comme le temps sur la ville, ce soir, c'est chaud et frais à la fois et personne ne s'y trompe : on est si bien ensemble !
Derrière moi, j'entends les Wet Picnic en train de fêter un anniversaire. Pas le temps de m'attarder et je sais que, demain, ils auront encore une "Birthday Party" à me proposer à Riec-sur-Bélon cette fois
21h33, arrière-ville
La nuit tombe mais je n'ai pas sommeil et je suis emporté un groupe qui s'écarte un peu du centre-ville et se dirigent vers les parkings de bord d'eau. Au plus loin, place des anciennes fonderies Rivière qui portaient bien leur nom, ici à Quimperlé, une belle américaine fait vrombir ses « Chevaux du plaisir ».
La nuit, au bout de la ville, c'est surtout, pour la compagnie Artonik, la fin d'un voyage vers nulle part pour des jeunes à la dérive. Une atmosphère étrange, noire à souhait, dans l'univers d'un vrai bad movie auquel la musique d'Alain Bashung, le bruit des moteurs et les gyrophares des véhicules de police entraîne, non sans difficulté, le public.
Cette lutte incessante entre des humanités qui se côtoient et se déchirent en permanence est, au fond de la place du Barzaz Breizh, mise à jour par le biais de ring de catch de la compagnie 100 issues. Ici, l'ambiance est plutôt survoltée et le public invité à choisir son héros d'un soir.
« Idéaux beurre noir », c'est un show réglé comme du papier à musique, avec, sol, des bruitages surréalistes réalisés en direct par le speaker tandis que, dans les airs, les comédiens de frôlent avec une précision impressionnante.
Le spectacle est plus que vivant et le public se laisse prendre au jeu de cette violence intérieure, notre combat quotidien pour survivre !
22h30, le Festival Les RIAS se referme à Quimperlé pour cette fois. Demain, avec moi, il prend le chemin du bord de mer. Ce soir, devant ce déploiement de talents artistique, de fortes émotions, de rires et de cheminement personnel sur des questions existentielles, j'en ai presque oublié ma nature. L'humain l'a emporté sur le poisson qui sommeille en moi et qu'il est temps que j'aille coucher pour aujourd'hui. Samedi 32 et dimanche 33 août, l'air iodé de Moëlan-sur-mer, Clohars-Carnoët et Riec-sur-Bélon soufflera sur d'autres aventures qu'il me tarde de découvrir.
Texte et photos: Guy Abalain
Photos : Matthias Lavigne, Jacques Nicolas,
Guy Abalain et lefourneau.com
Voir aussi : www.lesrias.com