Les Rias, Carnet de voyage en Pays de Quimperlé
Mi-rural, mi-urbain, le Festival Les RIAS suit son cours (d'eau)
Jeudi 30 août, soirée - Quimperlé, Locunolé
18h32, Locunolé
« Ponctuel, le public attend sagement sur les gradins installés sur la place l'arrivée d'Emma la clown qui ne tarde pas à se montrer à la fenêtre de sa caravane et propose un petit intermède, histoire de mettre tout le monde dans l'ambiance en attendant les retardataires. "Ceux qui sont là, à côté de la dame qui se gratte l'œil, allez donc en face et vous ne serez pas gênés par le soleil". Car il fait encore beau sur les RIAS qui semblent jouer avec les nuages comme moi avec les vagues de la mer et Emma avec son public. Gouailleuse à souhait, la voix haute et le geste précis, elle bonimente des vérités que, souvent, seuls les adultes comprennent, mais sur un ton et avec une maîtrise de l'art clownesque qui enchante les enfants.
Dis, poisson-clown, tu viendrais faire un tour des océans dans mon banc ? Les gradins débordent, les enfants sont assis devant, tout ce petit monde représentant près de la moitié de la population de ce petit bourg plein de charmes qui compte le moins d'habitants au sein de la COCOPAQ.
Après cette excellente tranche de rire, chacun s'est dirigé vers les grillades proposées par une association locunoloise. De mon côté, j'opte pour un covoiturage vers Quimperlé aimablement proposé. La descente en décapotable (pratique pour passer ma grosse tête) est plus rapide que par les rapides de l'Ellé et, finalement, je commence à m'y faire à votre mode de vie et à cette sensibilité si particulière des RIAS.
19h03, les rias immergent la ville-centre J'arrive avec une arête de retard sur les premiers spectacles de la soirée quimperloise, mais il y a du choix : pas moins de 7 rendez-vous programmés ! Près dès Halles, les nombreux badauds médusés se font haranguer (encore un copain à moi, là-dedans) par un étrange personnage, de prime abord pitoyable par sa tenue, mais qui maîtrise le verbe et son sujet comme nul autre. |
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Pauvre de nous ! Et surtout, pauvres pêcheurs (je sais de quoi je parle) car, rapidement, il entraîne son public vers le parvis de l'église où, il prend à témoin son acolyte de la compagnie Garniouze (mi-ange gardien, mi-faire valoir de son propos) qui mixe, imperturbable, toutes sortes de sons. Les textes (adaptés de l'auteur Gabriel Randon et sonnant comme du Gaston Couté, tous 2 poètes de la fin du XIXe) sont forts et actuels, les mots acides et le jeu d'acteur impressionnant. "Si qui r'viendrait, Garniouze". Ben oui, demain à la même heure ! |
Tandis que « Rictus » laisse entrevoir l'état pitoyable de la société et aimerait que vous sortiez un peu la tête de l'eau (pour moi, c'est fait !), à quelques pas, les Anglais de Wet Picnic font dans l'autre extrême et invitent les spectateurs à un cours de bonne tenue à table, dans une société qui, cette fois, est souvent qualifiée de « bonne », invitant même le spectateur à s'asseoir à la « Dinner Table ». Le spectacle est une leçon déjantée de savoir-vivre, aussi réaliste que burlesque, qui emporte les convives dans la ronde époustouflante, des bons exemples à suivre. Quoi que ! Avec les Wet Picnic, il faut s'attendre à tout… |
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J'ai un peu le tournis et mets 5 minutes à m'en remettre que déjà, la place Gambetta, à mi-chemin vers la ville-haute, m'appelle et je mords à l'hameçon sans trop rechigner. Pendant que j'étais dans le cœur historique de la ville, mon ami Pete Sweet, croisé la veille à Scaër, a dû remplir la place Saint-Michel car je croise un flot humain, hilare, descendant les pavé de la rue « Ca va, rit ! ». Certains décident d'enchaîner directement avec « Petit », un déambulatoire urbain des Rennais de la compagnie Rouge. Quant à moi, je me le réserve pour demain à la même heure. Place Saint-Michel, je constate que les 7 voitures mises à sécher sur leur fil mardi soir par les Générik Vapeur sont toujours là, superbement accrochées à leur pince à linge.
Les jeunes « signaleurs », fidèles à leur poste, font le (phyto)planton dans leur gilet fluo devant les barrières pour aiguiller le public vers les spectacles en cours. La folie urbaine qui règne à Quimperlé ce soir m'entraîne et me séduit. Je redescends vers les petites places animées de la basse-ville. Ligne de bars (ne pas confondre avec sa réciproque) bondés, petits groupes passant tout sourire dans les petites rues : la nuit qui tombe s'annonce festive.
21h33, Quimperlé s'envoie en l'air
Derrière le cinéma, une étrange structure m'interpelle et je me pose sur les gradins, au milieu des familles, nombreuses, venues découvrir l'envolée poétique « Fando comme Lis ». Le soleil s'est caché et le clocher annonce qu'il est 21h30. C'est encore un peu tôt et, comme annoncé, il faut 3 minutes à la scène pour s'éclairer et aux 2 artistes des Krilati me transportent sur un quai de gare.
Ces deux-là n'ont pas besoin de parler pour se comprendre et captiver le public. Dans un dialogue corporel permanent, ils me transporte dans l'histoire de leur belle rencontre avant de laisser place à leurs véritables talents circassiens. Il grimpent aux mâts, virevoltent, s'enroulent dans des tissus suspendus, toujours dans un équilibre fragile à l'image de leur histoire d'amour naissante.
Se lançant des défis, ils font preuve d'une technicité et d'une sensibilité qui ne me laissent pas indifférent, ni les nombreux spectateurs qui leur réserveront, à l'extinction des lumières, une standing ovation largement méritée.
La journée est finie. Demain, je pourrai me concentrer sur les 3 spectacles que je n'ai pas encore vu car les RIAS permet cette magie : vivre la ville dans ses moindres recoins et revenir le lendemain avec autant de plaisir, car les spectacles y sont reprogrammés aux mêmes horaires.
Texte et photos: Guy Abalain
Photos : Matthias Lavigne, Jacques Nicolas,
Guy Abalain et lefourneau.com
Voir aussi : www.lesrias.com