Notre intervention, ici à Medellín, a commencé une semaine avant l’ouverture officielle du festival avec un atelier de formation autour du "chœur masqué et la naissance du clown". Inspiré de la technique de Mario Gonzales, ce travail pédagogique, de deux semaines, s’adresse à une quinzaine de jeunes comédiens professionnels et apprentis clown.
Le premier contact a été assez amusant. Lorsqu’on m’a fait visiter le lieu de travail, j’ai été surpris de découvrir qu’il était situé sous les gradins du grand stade de foot, coincé entre une salle de karaté et un magasin d’articles sportifs. Pourtant, cette ville ne manque pas de théâtres ni de compagnies de rue avec un lieu de travail. Apparemment il s’agit de la vision politique du Maire qui tente de relancer la vieille idée du rapprochement entre le sport et la culture. Hm...
Finalement, le premier jour de l’atelier nous avons été tellement envahis par le bruit des tractopelles (la ville se prépare pour accueillir les olympiades sud-américaines) qu’ils ont du, en catastrophe, nous trouver un nouvel espace.
Au bout d’une semaine d’atelier, à raison de huit heures par jour, et partant de ce petit groupe de jeunes artistes qui me suivent, je peux dire que la nouvelle génération est bourrée de talent et qu’elle ne craint pas la rigueur du travail. Par contre, du point de vue de la vision qu’ils se font du clown, sans exception, ils sont tous happés par l’image du tramp américain. Avec ses énormes godasses, ses costumes aux mille couleurs, ses accessoires démesurés et son caractère gentillet et tristounet, le tramp a uniformisé la jeune clownerie locale. Ici, cette image du clown est fortement demandée par les journalistes et fréquemment utilisée par la publicité car très appréciée par le public local. En effet, depuis une vingtaine d’années les gens ont un veritable engouement pour les clowns, les mimes et le théâtre d’intervention. Alors, le Clown est devenu comme Le Père Noël ou comme le Che Guevara : une image qui sert à vendre. Ronald a gagné, le clown est mort.
Bien sur, tout cela n’est pas nouveau et d’une certaine façon fait partie de notre folklore latino avec nos influences nord américaines et notre goût pour l’outrance. Mais ce qui me frappe est de voir de jeunes artistes, pleins de talent et d’intelligence, plonger là dedans sans le moindre regard critique. J’ai l’impression que le fait que ça marche les installe dans un confort facile.
Alors, quoi faire de la recherche, de l’innovation, de la quête d’une identité (sujet très important ici) Sans parler du rêve des nouvelles utopies ? Qui va inventer le clown du 21ème siècle ?
Je ne dis pas que tous les artistes sont là dedans et n’oserait affirmer rien de définitif avant d’avoir vu les propositions des compagnies invitées au festival. Mais je sens que les jeunes ont besoin d’un coup de main ou d’une claque. Alors, j’ai entamé une petite croisade, en défense de la prise de risque artistique armé d’une phrase qui m’accompagne depuis longtemps : mieux vaut un mauvais pas dans la bonne direction que de s’asseoir sur ses acquis.
Le 16 novembre 2009