Les soeurs presque siamoises

Presque Siamoises, Bertha et Miranda Publié le lundi 19 juillet, 15h11

Dans le domaine du cirque, le contorsionniste est un artiste qui fascine et terrifie. Plus encore s’il s’agit d’une femme. Et plus encore s’il s’agit de deux femmes. Dans l’exercice de leur art Bertha et Miranda sont unies pour le meilleur et pour le pire. Elles sont capables de vous régaler d’un Gâteau surmonté d’une Cerise et de vous démontrer quelques figures plus tard que le Baiser de la Gouine est mortel. Les deux jeunes femmes sont comme le recto et le verso d’un même être capable de se dédoubler et de se rassembler en un clin d’œil. Leurs mains, leurs jambes, leurs cheveux se disent tantôt oui et non, tantôt ni oui ni non et leurs voix se mêlent et se démêlent quand elles annoncent au public ce qu’elles vont lui offrir : un poème, une leçon de philosophie, une figure rare.

Pendant près de trente minutes leurs corps se plient et se déplient, ploient et se déploient. Leurs membres se soumettent aux gestes les plus insolites comme des poupées bien articulées chez qui chaque muscle sait ce qu’il à faire et sait où ne pas aller trop loin. Tout cela elles l’expliquent d’ailleurs avec humour et l’on comprend que l’art de la contorsion n’a rien à voir avec l’art de la pâte à modeler ou de la poupée de chiffon. Pour dire qu’elles s’aiment ou se rejettent leurs deux corps n’ont pas les mêmes arguments et prennent des poses à la limite de la rupture. Leurs chemins se croisent toujours en courbes, en angles, en jeux de tensions qu’elles exercent sur deux tapis pas plus grands que les manteaux de fourrure dans lesquels elles entrent en scène.

Pour présenter la Catapulte Romaine Bertha et Miranda sollicitent dans les légions de spectateurs un garçon dévoué, bien bâti, un vrai centurion de péplum hollywoodien, pas manchot de ses deux jambes, parce qu’il doit courir pour récupérer un chapeau là où il faut. Il gagne, c’est un héros. Sa récompense : du réglisse long comme un fil d’araignée. Et c’est vrai, quand on y regarde à deux fois, qu’elles ont l’air de deux arachnides, ces deux fées : quatre paires de pattes, ni ailes ni antennes, elles nous observent têtes en bas, les yeux à l’envers, le corps renversé, elles cherchent à nous séduire ces deux mômes fil-de-fer, elles cherchent à nous attirer dans leur toile et savent tout le plaisir qu’on va prendre à s’y coller. Et on s’y colle. Proies faciles que nous sommes.

Texte : Pierre Abgrall