Dans le Verger, en cette matinée de vendredi, les derniers préparatifs du Verger se font sous une petite bruine fine... Les têtes font grise mine comme le ciel, et les espoirs semblent s'évanouir. Pourtant jusqu'à 16h16 -ouverture officielle pour le public- ça crie, ça court en tous sens, ça espère, ça désespère, ça s'inquiète, ça rassure... Enfin, le dernier tapis rouge est placé et ça y est, le public festivalier entre dans ce tout nouvel espace.
Alors que depuis le début des préparatifs, le temps joue avec les humeurs, il nous réserve pour la première ouverture du Verger sa plus belle surprise... Tous les spectacles peuvent jouer au sec ! Le public étonné, enjoué, découvre cet espace forain en se demandant ce qu'il peut bien y avoir dedans. C'est vrai que la porte du Verger, par son côté majestueux, intrigue et attire.
Aux toutes premières heures, nombre de visiteurs se placent en rang pour visiter le chapiteau abritant Les Voisins de Claude Merle. Souvent ils demandent :
- « Mais qu'y a t-il à l'intérieur ? »
- « C'est un secret »
Certains, dubitatifs, sortent rapidement de l'endroit, apeurés par les visages des statues de résine. D'autres, rient aux éclats devant certains personnages, peut-être parce que la tristesse de ces personnages énigmatiques, déclenche le rire comme une barrière pour ne pas être atteint par le regard pénétrant de ces Voisins...
Puis, la foule attirant la foule, une longue file s'installe devant le Jabberwock, où Rita et Gérard Burattini charment les spectateurs devant leur entresort. Pendant 30 minutes, les artistes captent l'attention d'un public festivalier, parmi lequel beaucoup de personnes semble découvrir le théâtre de rue... On oublie la musique des concerts... On oublie qu'on est aux Vieilles Charrues... Et on entre avec eux dans cette fable fantastique et engagée.
Dans le Verger, quelque soit le moment, il y a toujours quelque chose à voir. Un spectacle se termine, un autre prend à la suite, et l'on reste volontiers plongé dans cet univers hors du temps. La musique de Jane Allan attire alors un autre public, étonné de ce mélange entre de la musique gnawa et l'art du trapèze. La jeune femme capte les regards par sa souplesse, son agilité de chat et sa sensualité...
Puis, dans un tout autre registre, l'homme tatoué Pascal Tourain fait des siennes, et son « show » est reçu avec beaucoup d'émotions différentes : dégoût, admiration, rires, surprise, étonnement... Les mères sont un peu choquées, et une jeune fille dit même à la sienne de ne pas s'inquiéter !Inversion des rôles...
Dans le Verger, les gens qui se connaissent s'interpellent, se demandent : « Qu'est-ce que tu as vu, toi ? » et commentent, chacun y allant de son avis.
A intervalles, pendant l'après-midi, patrouillent les Tony's : videurs aux lunettes noires et crânes rasés. Ils aiment à « sécuriser » les personnes retirant de l'argent, et lorsque la personne se retourne, stupéfaite, sa surprise fait rire le public déjà conquis. Lorsqu'ils font trop peur à certains, ils leur offrent un petit bonbon à la réglisse, qui calme aussitôt les angoisses les plus grandes, les fous rires le plus incontrôlables. Sur leur passage le public s'exclame: « c'est génial ! », mais aussi « comment ils font pour voir ? » et chacun y va de son hypothèse.
Puis, spectacle après spectacle présentés avec humour par Gilles Dubocquet, le crieur public du Verger, les heures défilent, et arrive le moment de fermer la grande porte... Beaucoup de curieux sont entrées dans ce Jardin de curiosité, beaucoup ont ressenti de belles émotions, d'autres se sont posées des questions, d'autres ont voulu grimper sur des roulottes, pour, à tout prix, voir les spectacles et ne perdre aucune miette. La curiosité est éveillée, en cela réside l'objectif du Verger, et des arts de la rue : interpeller, créer un imaginaire, faire rire, émouvoir, surprendre les gens dans leur « quotidien » de festivaliers...
Texte et photos : Lucie Nicolas