Une ancienne caserne des pompiers transformée en pavillon de glace, quelques tilleuls aux branches rognées alignés le long de l’église et un marché de trois étals cernent la mairie de Saint Sauveur robustement plantée au centre du village. Sagesse de la campagne et sentiment de tranquillité loin des dernières rumeurs urbaines, loin des rivages à casino, loin des célèbres pommiers de Coutances. Seul les panneaux électoraux rappellent l’actualité brûlante de ce mois de juin plutôt glacial. Sur le parking, place des grenouilles, près de deux cent cinquante écoliers garnissent les bancs de parterre, les empêchant de s’envoler. Ils sont de tous les âges : des plus petits de la maternelle sagement frigorifiés aux demoiselles de Bep en passant par toutes les figures pittoresques du primaire. Bagout des cours moyens qui répondent aux acteurs, enthousiasme sportif des minimes du club de football, et participation naïve des cours élémentaires. “Il est là, il est derrière vous !” La salle vibre et se manifeste, couvre la voix de la contrebasse, transforme la représentation en un imprévisible forum entre supporters de la décollation et adeptes de l’éventration : “Des boyaux ! Des boyaux !” La dictature ne fait plus peur, elle déchaîne les passions et malgré toute la belle humeur de cette représentation houleuse, on ne peut pas s’empêcher de regarder sur les panneaux, le sourire contrarié des candidats locaux. Comme pour se rassurer.