Sur la grande place sans mur porteur, quelques gouttes de pluie ajoutent une dernière note poisseuse au concert des difficultés. Une maigre poignée de spectateurs occupe les premiers rangs du parterre et la ville, autour, ne semble que bruit et défiance. Des gamins désoeuvrés font rugir les moteurs de leurs engins à deux roues, les vérins hydrauliques du manège soupirent d’impatience, les cloches d’une église n’en finissent pas de battre la mesure, le ciel ne s’éclaire pas de la moindre promesse d’une quelconque amélioration. Mais les acteurs commencent à jouer et la petite machine séduisante est en marche. Comme chaque note répétée en choeur sous la baguette “en chanteuse” d’Andréas, chaque réplique, chaque action dramatique gagne du terrain, élargit la fréquentation... Oubliés les pots d’échappement rageurs, le chuintement incessant des chevaux de bois, oubliés les récidives paresseuses du crachin ! Balayant les obstacles, la représentation se meut en une impressionnante conquête du public.