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Sérénade sous les pommiers

Entretien avec Charlotte Blin et Justine Curatolo de la Compagnie Aïe aïe aïe

jeudi 25 juin 2009, par Lucie Corouge

Les deux apprenties ornithologues d’aïe aïe aïe terminent leur escapade champêtre à Plourin-Lès-Morlaix, où elles ont passé une semaine de création. Après deux représentations publiques de Pavanes, pour le Mai des Arts, elles acceptent de se prêter au jeu de l’entretien et de nous livrer leurs premières impressions. Un entretien "à chaud", avec beaucoup de réflexion et d’auto-critique sur ce spectacle encore frais et qui comme un bon fromage, reste à affiner (dixit justine)

Votre présentation était risquée, il vous fallait du silence et du calme. Vous avez passé une semaine à répéter sous les pommiers, il y avait pas mal d’oiseaux et je sais que vous appréhendiez un peu le fait qu’ils s’enfuient à cause du public et du bruit. Au final tout c’est bien passé...

Charlotte : C’est vrai que l’on n’a pas eu trop d’interférence avec les autres spectacles, et puis il y a eu des oiseaux. Sur la deuxième séance il y en a eu beaucoup, et c’est quand même quelque chose de chouette. Mais même s’il y en a peu, c’est intéressant d’arriver à amener les gens à ouvrir les oreilles. C’est plutôt là dessus qu’on travaille.

Justine : Et de toute façon, dans la direction dans laquelle on veut aller et qui est assez décalée, on peut se servir de tous les sons « parasites ». Enfin que l’on peut appeler parasite, mais les intégrer aussi. Par exemple des cloches, un avion... Moi même j’aime particulièrement quand un avion passe !!! Mais tout à l’heure les 5 martinets (espèce d’oiseaux) qui sont passés juste au dessus de nous, c’était quand même assez magique...

C’est assez risqué du coup comme proposition, si vous devez jouer en salle c’est beaucoup plus difficile...

Charlotte : L’univers sonore, les oiseaux c’est en fait un prétexte pour ouvrir les oreilles. Évidemment c’est beaucoup plus simple, beaucoup plus poétique et bucolique quand il y a des oiseaux mais je pense que même une pluie battante dans un hangar ça peut être intéressant.

Justine : Parce qu’on est pas dans quelque chose de véridique par rapport à l’ornithologie. On n’est pas ornithologues. C’est vraiment que de la fantaisie. Donc ce fameux oiseau qu’on cherche ça pourrait très bien être le bruit du percolateur de la cafétéria...

Charlotte : il faut amener les gens à cet état là, d’écouter. Et je pense qu’il y a encore des choses à trouver pour ça, mais en même temps on a eu des moments d’écoute assez uniques.

C’est un travail sur l’écoute mais aussi sur le langage...

Charlotte : oui c’est une envie qu’on avait. Là maintenant avec le recul, on se dit que c’est peut être un petit peu copieux...

Justine : mais c’est en testant comme ça qu’on se rend compte de ce qui doit être un petit peu allégé, ou au contraire affirmé.

Charlotte : mais en même temps oui, ça fait partie de cette écoute qu’on a, non plus pour le sens des mots, mais pour la sonorité des mots. Ca je ne sais pas si ça c’est vraiment ressenti ...

Votre compagnie aime beaucoup travailler sur des projets à taille réduite, assez intimistes et pour des petites jauges, qu’est ce qui vous pousse à ce type de rencontre ?

Charlotte : tu disais que c’est une mise en danger, oui c’est vrai et en même temps, c’est un confort formidable parce que c’est toujours adaptable. Après ça prend du temps d’adapter chaque représentation aux circonstances mais c’est un enjeu important. Ça oblige à faire avec les moyens du bord et c’est ça que j’aime assez. C’est une forme d’économie par rapport à la création qui peut être intéressante. Plutôt que d’avoir un gros spectacle, avec plein de moyens, avec une grosse sono, plein de gens, on essaie de faire avec ce que l’on a et de faire en sorte qu’il y ai un instant précieux à ce moment là.

C’est votre première expérience en rue ?

Justine : pas vraiment, on a eu des approches mais pas de ce qu’on peut appeler du travail en rue. Moi j’avais fait un spectacle au balcon, les Balconnades. C’est en extérieur mais ça reste particulier.

Charlotte : cette approche du public à l’extérieur, moi je ne l’avais pas encore éprouvée. Ça change vraiment beaucoup de la salle mais je trouve qu’il y a une proximité avec le public qui est super.

Charlotte : oui, on est avec eux, on les voit. On n’est pas devant un écran noir. Même si on sent toujours une salle, il y a quelque chose qui se passe. Et ce n’est pas du tout la même sensation.

Justine : Cette idée de partager, là elle est hyper tangible. Elle est écrit en grand, au dessus de nous. Ça se sent, c’est là, ici et maintenant...

Pouvez vous me parler de votre compagnie, elle est basée sur un collectif d’artistes ?

Charlotte : Aïe aïe aïe a été créée par Julien Mellano en même temps qu’il a créé son premier spectacle, Mon Œil. Avec l’envie depuis le début d’en faire un espace qui est ouvert à des propositions artistiques différentes, avec des esthétiques diverses aussi. Et depuis deux ans la compagnie s’est élargie avec 4 directeurs de projets artistiques qui peuvent intervenir les uns ou les autres dans chaque projet mais aussi des gens complètement extérieurs.

Justine : ce n’est pas un vase clos

Charlotte : et c’est l’intérêt pour nous de ce fonctionnement. Ça permet d’avoir des échanges, un retour. Par exemple Julien est venu hier jeter un œil juste avant notre première et c’est important aussi d’avoir ces échanges. En tout on est donc 4, il y a Julien, Justine, moi... Justine qui a aussi ses propres projets.

Justine : dont un qui tourne en ce moment, La berceuse qui est aussi très intimiste

Charlotte : et puis Benoit Hattet qui a monté l’année dernière une adaptation de l’histoire d’Eléphant man au théâtre dans une forme très réduite pour une petite centaine de personne. Les gens sont invités à entrer dans la chambre d’hôpital de Joseph Carey Merrick, juste pour le rencontrer et le voir de visu.

Justine : mais après ce n’est pas réduit. C’est vrai qu’au départ il y a un intérêt pour cette rencontre très précieuse mais Beastie Queen, une création de 2007, est un spectacle pour plus de monde que ça et le spectacle que prépare Julien actuellement, c’est la même chose.

Charlotte : Je ne sais pas à quoi c ‘est dû. C’est l’envie d’être dans une relation intimiste avec les gens, d’imaginer une proposition qui est plutôt dans ce timbre là. Je crois que si on essaie d’imaginer une forme de spectacle vivant pour une jauge qui est beaucoup plus importante, on n’est plus du tout dans la même question. Mais c’est important aussi, on a envie que ce soit possible de l’agrandir, et on y réfléchit.

Justine : mais on a envie de passer par cette étape d’abord. Il n’y a pas de hiérarchie. On ne s’exprime pas pareil devant 500 ou 30 personnes.

Charlotte : le rapport à la foule, le fait d’être rassemblés n’a pas le même sens si on est 30 ou si l’on est 1000. C’est comment on amène et comment on donne du sens à ce rassemblement qui est important. Nous on est toujours dans ces questions là. On essaie déjà que ça ait du sens à 100 ou 200 et c’est déjà pas mal.

Il y a beaucoup de chant dans Pavanes. Justine, tu as une formation en chant lyrique, comment ça c’est passé pour toi Charlotte cette approche au chant ?

Charlotte : oui et bien ça se passe laborieusement il faut le dire. Je ne suis pas chanteuse et je n’ai aucune prétention à l’être. Pavanes c’est surtout un jeu sur la langue et les capacités « phonatoires » de l’être humain. Et le chant ça en est une. Ce qui est intéressant c’est de voir les deux, ça s’éclaire l’un l’autre. Après, moi j’aime les choses un peu barrées de poésie sonore, des expériences dadaistes, des choses bruitistes, c’est un travail de la voix que je trouve assez fascinant. On essaie plutôt de travailler tous ces matériaux, que ce soit des roucoulades lyriques ou que ce soit un son qui peut paraitre très brutal et très rauque mais qui a aussi une qualité sonore particulière.

Et la prochaine étape de Pavanes c’est quoi ?

Charlotte : c’est dans 15 jours avec Damien Bouvet, lui-même comédien et qui dirige une compagnie qui s’appelle Voix-Off et qui fait beaucoup de spectacle solo. Donc ça va être une expérience aussi pour lui de nous faire travailler ensemble. Mais ça va être une pratique, un travail physique sur la présence du corps qui je pense peu nous apporter beaucoup de choses par rapport à Pavanes. Parce que c’est aussi très visuel et pas seulement sonore comme spectacle. Et puis en juin on a un autre temps de travail plutôt sur la voix et le son. Et on joue ce qui au départ devait être une première représentation dans le cadre du festival des Tombées de la Nuit au Tabor à Rennes.

Dans un cadre complètement différent de Plourin...

Justine : oui mais c’est ça qui est super. Et puis le but c’est à chaque fois d’arriver à recréer quelque chose avec un nouveau décor et une nouvelle variation sonore qu’on ne peut pas maitriser.

Charlotte : et puis là on est au mois de mai, dans un cadre on va dire bucolique et champêtre avec les pommiers, mais de jouer en juillet au Tabor, comme de jouer en octobre, ça n’a rien à voir et c’est ça aussi que j’aime dehors.

Justine : et puis on est obligé de faire sur place avec les éléments, parce qu’on peut arriver sur un site trois mois avant, pour arriver à se figurer comment il sera trois mois plus tard... On peut se dire oui il n’y aura plus de feuille etc... mais ça n’est pas pareil, ça ne donne pas d’idée du volume, du son de ce qui sera fourni.

Un souhait pour la suite ?

Justine : que l’on trouve le « syrinx », cette espèce si particulière que nous recherchons.

Merci à Charlotte et Justine pour cet entretien parsemé de petites explorations des sonorités.

Pour en savoir plus :
Le site de la compagnie
La page résidence du Fourneau

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