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Bertrand Siffritt, Cie Art Tout Chaud au FAR de Morlaix

mercredi 30 juillet 2003, par Sandrine

Bertrand Siffritt et la compagnie Art tout chaud jouaient à Morlaix ce mercredi 30 juillet. Scénographe, Bertrand Siffritt s’interroge sur l’avenir. Avec le protocole d’accords, la compagnie, mais également le statut de ses dix intermittents sont menacés.

La culture victime de la mondialisation

Bertrand Siffritt, intermittent de 48 ans, nous explique qu’au delà de l’annonce du protocole d’accords sur l’indemnisation chômage des intermittents, c’est le contexte national et mondial qui met à mal la culture. "Depuis le 11 septembre 2001, je n’ai pas créé une seule scénographie. J’ai fait tourner les spectacles pour lesquels j’ai travaillé en tant que régisseur, mais en création pure, je n’ai plus de commande" annonce-t-il. En 1991 déjà, les répercussions mondiales de la guerre du Golfe sur la culture avait été gravissimes. Aujourd’hui, en plus d’un contexte mondial tendu, la situation française avec le gouvernement Raffarin ne favorise pas le domaine culturel. Le gouvernement pense davantage sécurité, justice ("pour les uns mais pas pour les autres", dixit Bertrand Siffrit) que culture et plaisir. Bertrand met également l’accent sur l’éducation nationale, base fondatrice de toute société : "Nous subissons non seulement le problème de notre statut d’intermittent, mais aussi une morosité culturelle qui démarre par l’éducation nationale. Il faut régler à la base la question de l’éducation de nos enfants. Quel avenir voulons-nous leur construire et leur inculquer ? Il faut que ce soit un avenir idéologique et non politico-financier. Moins l’éducation nationale aura de moyens, moins bien nos enfants seront éduqués et les déflagrations arrivent par la suite de génération en génération".

Déjà sous la gauche cette tangente était palpable. La politique ultra libéraliste de la droite ne fait que durcir le mouvement. La culture, non rentable, est reléguée au second plan. Bertrand Siffritt ajoute : "Que nos enfants soient cultivés n’intéresse pas Ernest Antoine Seillère. Ce qui l’intéresse, c’est que les gens aillent au turbin et rapporte de l’argent. Naïvement, je pensais que l’on allait vers une société dite de loisirs grâce au partage des richesses". Il ne va pas sans dire qu’il est très déçu, non pas seulement par cette droite très dure qui gouverne la France en ce moment, mais aussi par Aznar, Blair, Bush, sans parler de Berlusconi. "Le G8, c’est une bande mafieuse à la botte des lobbying industriels et financiers. Autrefois, nous étions gérés par des nations, maintenant ça va être par une mondialisation féodale dans laquelle nous, citoyens, allons observer des princes et des princesses sur nos écrans de téléviseurs". Bertrand Siffritt entend par cela que la télévision, média le plus à la mode du G8, devient une forteresse du pouvoir. Et pour cause, les intermittents qui veulent s’exprimer sur le problème que pose leur statut se voient interdits d’y entrer. Seuls les stars ou "princes et princesses" vont s’y produire, passer de chaînes en chaînes, dans des programmes qui abrutissent le public consommateur. Il dénonce cette idée du monde régi par le pouvoir et l’argent.

Faire bouger les choses en France

Bertrand Siffritt estime qu’il est très important de jouer, dans des festivals comme celui de Morlaix, afin de pouvoir apporter la bonne parole au public après les spectacles. Cependant, comme beaucoup de professionnels du spectacle, il est convaincu qu’il faut durcir le mouvement à la rentrée en bloquant toute la culture, y compris les cinémas et la télévision. Pour lui, c’est un moyen de faire prendre conscience à la France de ce que peut être une société sans culture. Il précise d’ailleurs "quand je parle de culture, je n’entends pas la culture des arts de la rue, ni la culture cinématographique, mais aussi la télévision. La télévision est une culture à part entière. Mais, il faut que les "camés" de la télé en soient privés pendant un moment, afin qu’ils s’aperçoivent que de nombreux intermittents y travaillent et que sans intermittents, ils sont privés de leur "cam" quotidienne".

Les choses sont dites, les professionnels de la culture, bien vivants, font planer la menace d’un automne culturel mort. C’est maintenant à la France de réagir : à la population de se solidariser, aux politiques de prendre en compte les revendications clamées.

Propos recueillis le 30 juillet au far de Morlaix

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