Instrument-Monument
Projet 2003-2004

"Donner à entendre un monument"

Ce programme de création s’inscrit dans un travail fondamental sur le contexte : art spatial, art monumental, art électronique, Land Art, art sonore spectaculaire en espace libre.

Instrument/Monument commence par exploiter les potentiels sonores réels d’un site, monument, structure, lieu public… Toute forme, et tout matériau a un son. Ce son est souvent infinitésimal, inaudible, inouï. Pourtant, sans le savoir, nous passons tous les jours à côté d’instruments de musique, en tout cas d’objets "sonnants". Il ne manque que des musiciens pour leur donner un statut d’instrument de musique et – bien entendu – les moyens de se faire entendre. Ceci est accompli par la pose de microphones de contact (les vibrations ne sont plus captées dans l’air mais directement sur la matière) et par amplification du monument.

Puis, l’écriture elle-même prend en compte tous les éléments qui peuvent survenir durant l’exécution. Tout événement extérieur s’inscrit, se loge dans la pièce et cesse alors d’être perçu comme un accident parasite. Nous sommes bien en présence d’une "performance" ; œuvre "en train de se produire" et même de s’écrire. Mais ce projet a aussi une forme globale et une écriture qui vont au-delà du dispositif ou de l’installation dynamique en improvisation.

Ceci requiert une équipe de musiciens entraînés à la fois à l’écoute contextuelle (comme un "déchiffrage" de l’univers sonore instantané), et aux techniques instrumentales et électroacoustiques qui donnent à entendre l’Instrument/Monument.

Pour donner à entendre, surtout des formes neuves, il faut aussi donner à voir. Le geste instrumental, sa théâtralité, le corps, la scénographie, l’espace, le mouvement, l’architecture sont les signes extérieurs de ce qui se passe au niveau du sonore. On assiste à un spectacle, mais la musique n’est pas l’illustration ou l’accompagnement de ce que l’on voit ; chaque image et chaque mouvement ou geste existe parce qu’il est producteur de sonore. Dans cette nouvelle situation, les frontières entre chorégraphie, théâtre, prouesse physique et geste instrumental s’estompent. Dans un instrument de musique qui est aussi un monument et une aire de jeu, le corps du musicien est aussi celui d’un danseur ou d’un acrobate. Et inversement, le parcours d’un funambule sur câble ou sur un parapet induit un équilibre musical particulier dans le déroulement sonore qu’il produit.

L’espace est ici un paramètre déterminant dans l’écriture. C’est l’espace de l’objet qui se déploie dans l’espace sonore. C’est l’espace qui montre d’où vient le son, qui désigne sa source, qui se manifeste dans toutes les dimensions du site.

La pièce musicale ainsi créée à partir des sonorités de l'Instrument/Monument est par ailleurs écrite, composée et construite en fonction des proportions, dimensions et formes du monument traité. Chaque pièce-événement est donc dédiée à un monument en particulier.

Le dispositif, une fois installé, peut être livré au public, qui peut ainsi jouer lui-même de cet Instrument/Monument. Il peut être aussi enregistré ou retransmis (ce qui permet de l’entendre dans un autre lieu, pays, continent…).

Types d’ouvrages et sites propices...

Presque tous les types d’édifices, monuments, ouvrages d’art, aménagements et mobiliers urbains, intérieurs et extérieurs, sont susceptibles de se transformer en instrument.

L’instrument et ses sonorités dépendent entièrement des matériaux constitutifs du monument. Les capteurs sont fixés à l’aide d’adhésif repositionnable, et n’entraînent aucune dégradation ni modification d’aucune sorte. Ils sont invisibles. L’importance du dispositif de sonorisation varie en fonction du site et de la "jauge public", qui peut aller de quelques dizaines à plusieurs milliers de personnes.

Les matériaux les plus "sonnants" sont évidemment le métal et le verre, donc des constructions des XIXe et XXe siècles. Mais le bois est aussi parfaitement sonore, et la pierre, a priori plus inerte, se prête à des jeux de frottements, de granulation, de rythmes, de densités.

On connaissait ainsi le microphone, le stylophone, le scripping ; voici le scriptophone (et la scriptophonie, les scriptophonistes et phonoscripteurs, etc…, sans parler des futurs décodeurs de cryptophonie).

En effet, c’est en se demandant quel matériau musical on pouvait tirer de la pierre et des murs qu’a été imaginé le scriptophone. Il s’agit d’un stylet, calame ou baguette, frotté sur la surface à "phonoscripter". Les bruits de frottement sont captés par un micro de contact puis traités et amplifiés. On rend ainsi perceptible le grain de la surface, mais aussi les rythmes des parois et appareils de pierre ou de brique, et les anfractuosités, fissures, lézardes, plaies, par un mouvement dynamique qui est celui de la plume, du pinceau, du calligraphe ou du "tagueur". C’est une écriture, mais une écriture dans l’espace comme sait l’être la chorégraphie, une écriture qui se matérialise par du son dans un déroulement musical.

Le sol peut lui aussi être amplifié pour traduire en musique les vibrations des pas, martèlements, frottements mais également roulements (skates, rollers, valises, caddies…)

L’espace défini par le site est donc exploité comme scénographie naturelle, avec un apport extérieur de structures et d’éléments techniques et scénographiques limité au minimum.

 

PROGRAMME INSTRUMENT - MONUMENT : CRÉATIONS SAISON 2004

11 Juin 2004 : Terra Incognita

Pour l'ouverture du fameux festival international "Oerol", la gare maritime de l'île de Terschelling (Pays-Bas) et l'historique remorqueur Holland sont transformés en théâtre sonore devant 5000 spectateurs. Dans Terra Incognita, pièce en trois mouvements, les artistes évoluent sur les mâts, les manches à air, le grand portique élévateur, les bouées métalliques de haute mer, sortent de la cheminée, et font du site une gigantesque boîte à musique rythmée par le ralenti à 240 tours/minute du colossal 10 cylindres. Des messages radio de détresse, envoyés par les bateaux secourus par le Holland, s’écoulent des haut-parleurs de la gare ; la partition entraîne dans son final les cloches de la ville et les cornes de brume du port...
Le projet Instrument - Monument a largué ses amarres.


Photo : P. E. Rillema

Photo : Henry Krull

Photo : Henry Krull

25 et 26 juin 2004 : In Cage

A l’emplacement du joli square de la Roquette s’élevait, il n’y a pas si longtemps l’établissement pénitentiaire de « La petite roquette », la prison des femmes de Paris. Pour « Itinérance rue », la création In Cage joue sur l’omniprésence des (bien involontaires) rappels de l’univers carcéral de ce site (grilles, cages de trappes de désenfumage, barreaux, béton armé, « cages » du terrain de sport…) avec une pensée affectueuse pour John Cage.

Au lieu d’un travail sur la verticalité, c’est à un parcours en trois mouvements que le public est invité, guidé par des personnages aveugles et le son des trousseaux de gardiennes en uniforme. Après les sonorités liquides des fontaines, le terrain de sport est le théâtre absurde et poétique d’un match mélangeant toutes les disciplines, et dont les règles ne sont que musicales. Enfin, le public est à son tour enfermé dans l’espace Olympe de Gouges pour le dernier mouvement, avant d’être lui - même dirigé pour un concert de clés.

Au cours de la résidence de création sur site, la compagnie a offert au public du quartier des « visites guidées du paysage sonore », dont certaines en compagnie de non - voyants : initiation à l’écologie sonore, écoute de l’environnement et d’objets urbains par micros et stéthoscopes, sensibilisation à la mémoire collective des sons… Des ateliers de création sonore ont également été organisés, au cours desquels les participants ont apporté des objets sonores de leur univers personnel, domestique et quotidien, aboutissant à un concert final.

Photos : JC Schwartz

2 au 9 août 2004 : Par-dessus le Marché

Sur le Marché de la Condamine à Monaco, pendant que s’élabore l’Instrument - Monument, Décor Sonore installe tous les matins son stand de « Don du Son » parmi les étals de fruits et légumes. Ménagères et touristes, enfants de 2 à 80 ans, riverains et commerçants se montrent de plus en plus généreux et curieux, apportent et écoutent les objets les plus insolites comme les plus quotidiens, enrichissant chaque jour les parades musicales et le concert de midi. Vers 10h30, visite guidée du paysage sonore, où l’on découvre, entres autres mais avec stupeur et émerveillement et stéthoscope en main que les rampes d’escalier sont coulées dans le bronze des canons d’un vaisseau naufragé au large du Rocher, canons ayant eux-mêmes été fondus à partir du bourdon de Notre-Dame de Paris, ou encore que le poste à haute - tension résonne à la fois sur la fondamentale d’un mantra tibétain et d’un chœur polyphonique.

Le 9 août, à la nuit tombée, la place du marché se métamorphose ; fontaine, balançoire et jeux d’enfants, kiosque à journaux, lampadaires, terrasses et pavés sont à la fois les scènes et les instruments d’un concert spectaculaire et poétique.

Photos : Céline Sanchez

17 septembre : Dehors/Dedans

Pour son ouverture de saison et la journée du patrimoine, Le Manège, scène nationale de Reims invite Décor Sonore à travailler sur son magnifique cirque d’hiver. Plus de 1000 personnes viennent découvrir la musicalité de la cour dans un concert de grilles, portes, perrons, fenêtres, bancs et gouttières avant de s’engouffrer dans le cirque. A l’intérieur, le spectacle sonore est partout, depuis le grill technique à 18 mètres de haut jusqu’aux piliers de fonte, gradins, lustres et parapets, en passant par la piste elle - même sur laquelle glissent et tournoient les personnages suspendus, comme dans un manège...

Photos : Alain Julien

GÉNÉRIQUE  

Conception, composition et mise en scène :
Michel Risse

Assistant à la mise en scène :
Didier Couchi

Avec :
Didier Couchi
Jérôme Bossard
Julien Bouchet
Damien Boutonnet
Sarah Mahé
Laure Pique
Sophie Poupin
Thomas Sisqueille
Cathy Martin
Capucine Darras
Thibo Trilles
Antonin Leymarie
Sabine Montlahuc
Valérie Binn
Isabelle Davy-Doyarçabal

Régie générale : Renaud Biri

Son : Olivier Moyne

1ère assistante son : Tal Agam

Lumière : Jean Grison

Régie des accroches : Fred Sintomer

Chorégraphes invités :
Lin Yuan Shang
Antoine Le Ménestrel

Direction de production déléguée :
Krisje Beaumond, pour La Cellule

Coordination générale :
Valérie Binn,
Allison Costa

Coproductions et résidences
l’Atelier 231 de Sotteville-lès-Rouen
Lieux Publics - Centre national de création des arts de la rue
Le Fourneau, Scène conventionnée Arts de la rue [en Bretagne]
Espace Périphérique, Paris - Villette.
Le Parapluie d’Aurillac
Le Manège - Scène nationale de Reims

Avec le soutien de
la DMDTS - Ministère de la culture et de la communication
le DICREAM
la SACEM

Sans oublier
l’aide de La Cellule
et l’indispensable confiance du Manège - Scène nationale de Reims
d’Act'Art 77
du Festival de l'Oh
de la Principauté de Monaco
d’Artrafic et de la Mairie de Paris.

Instrument-Monument est une commande de l’Etat.

La compagnie est conventionnée par la DMDTS - DRAC Ile-de-France et aidée par la Région Ile-de-France

Remerciements chaleureux au Moulin Fondu et à la compagnie Oposito,
à L’Avant-Rue et Friches Théâtre Urbain,
à Frank William Fromy (FWF) et à Alain Français.
De Préférence pour leur précieuse coopération, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui, volontairement ou non, ont participé et participent à cette aventure.