Le Moulin Fondu,
Centre National des Arts de la Rue
jeudi 3 février 2011, 23H46, temps maussade,
Bonjour, bonsoir, et au revoir,
Merci, merci, merci, Monsieur Yvon Hervé.
En effet, Monsieur le Président, alors que certains de mes camarades de jeu vous houspillent, moi, Jean Raymond Jacob, directeur artistique de la compagnie Oposito et du Moulin Fondu Centre national des arts de la rue, je vous dis "merci" .
Merci de nous prouver que nous avons raison de continuer à faire ce en quoi nous croyons.
Car si des fois, nous serions tentés de nous endormir sur nos ouvrages, il y a des gens comme vous, pour nous rappeler que le monde auquel nous rêvons, un monde équitable où le gros n’écrase pas le faible, où l’homme politique serait un visionnaire, ce monde, quand on vous lit et vous entend, n’est pas prêt de connaitre son avènement .
Comment pouvez vous vous tromper à ce point ?
Comment pouvez vous nier l’histoire de cette manifestation, de l’équipe qui l’anime, de la démarche des artistes de rue et de la formidable adhésion du public ?
Vous avez raison sur un point, il n’y a pas que de bons spectacles, mais pas plus et pas moins qu’ailleurs . Tout comme dans le milieu politique, Monsieur le président, il y a de mauvais acteurs, vous en êtes un échantillon. Chez nous, on dirait que vous êtes une erreur de casting, on vous attend à l’entrée du plateau à gauche, vous rentrez par la droite pour donner la réplique à la Reine mère initiatrice de cette mauvaise pièce, Madame Agnès Le Brun. Votre théâtre est triste, lourdingue, tout engoncé qu’il est dans une vieille France où règne l’immobilisme.
Savez-vous pourquoi le monde bouge ? Parce qu’il n’écoute pas les gens comme vous.
Depuis une trentaine d’années, nous avons fait le choix de porter le théâtre là où on ne l’attendait plus, dans la rue, inventant alors un rapport neuf au public. Aujourd’hui notre pratique artistique est regardée, interrogée par le reste du monde, nos meilleures équipes, petites ou grandes sont invitées aux quatre coins de la planète.
Alors me diriez vous : "le FAR de Morlaix par rapport au reste du monde, qu’est ce que ça peut faire ?" C’est vrai, le théâtre de rue n’en mourra pas.
Par contre vous privez une partie des citoyens de votre région du choix qu’ils faisaient de venir voir ses artistes et partager avec eux leur invention .
Vous pourriez aussi me rétorquer que vous n’avez pas demandé à l’équipe du Fourneau de quitter les lieux, Monsieur le président, si vous avez une "idée de l’honneur", il en allait de la leur, plutôt que d’accepter votre marché de dupes.
Certes, et à vous entendre, nous ne sommes que les bouffons du roi, mais des bouffons libres de choisir nos rois.
Alors, sachez Monsieur le Président, que si vous avez fait tomber le rideau sur une histoire belle et sincère entre un public et des artistes, l’aventure du Fourneau et sa formidable équipe va continuer . Et je suis prêt à parier que demain, c’est de la leur dont on se souviendra.
Jean Raymond Jacob
Auteur , metteur en scène
Chevalier des Arts et des Lettres