Dompter l'invisible
Première expérimentation publique
du Geste à la parole
Jeudi 28 avril 2005,
A la recherche de la main invisible
Le "business mime" Carmelo
la Môme Quat'Sous (Emilie Bajard)
La Môme sous le charme de Carmello
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Ce soir-là, la grande halle du Fourneau fût le théâtre de la première expérimentation publique de « Mon€y ! Mon€y ! », par la compagnie Le Geste à la parole. En résidence depuis le 18 avril, Dominique Lemaire, Carmelo Cacciato, Emilie Bajard et Yamina Hachemi n'ont pas compté les heures pour peaufiner le spectacle en vue de leurs premiers rendez-vous avec le public. 18h13
Le hall du Fourneau est rempli de curieux, toujours prêts à « risquer » une sortie dans le lieu de fabrique brestois. Effectivement, ce soir l'expérience que vont réaliser les 3 comédiens de la compagnie n'est pas sans risque:
Est-ce que le spectacle va se dérouler comme prévu ?
Comment vont réagir les spectateurs ?
Vont-ils adhérer à notre projet qui se concrétise sous leurs yeux ?
Tant de questions en quête de réponses…
18h18
Le boursicologue Perrotin entre en scène : « Nasdac mes frères ! »
Représentant d'une secte es « phynance » ou arnaqueur professionnel, il donne aujourd'hui vie aux rêves de son mentor : l'écossais Adam Smith, économiste de renom qui inventa en 1776 la théorie de la "main invisible du marché", réponse magique et bien pratique pour blanchir les travers de la Grande Economie. Perrotin lui, a su appliquer à sa propre vie les principes de son père spirituel : « Chaque individu, tout en ne cherchant que son intérêt personnel, travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler. » Pour simplifier, traduisez ceci en ces termes : « Chacun pour soi, caviar pour tout le monde, mais pas tous à la fois… » (dixit Dominique Lemaire).
Le boursicologue ambulant a aujourd'hui dépassé son maître et il est fier de présenter à qui veut bien la voir la véritable main invisible du marché ; celle qui rendra visible la beauté de la Môme Quat'Sous, ramassée en pleine errance sur le port de commerce. Pour cela, il peut compter sur l'aide de celui qui a dompté la main, le dénommé et renommé Carmelo.
« Les magiciens d'aujourd'hui, ils sont dans la finance. C'est ça qui a provoqué notre déclic. », confiait Dominique au sujet du projet. Un projet dont on a pu voir toute la richesse lors de cette représentation.
Le spectacle fait appel aux nombreux talents des artistes de la compagnie : danse, chanson, prestidigitation, mime, écriture…
« C'est un spectacle dont vous sortirez riche de savoir pourquoi vous resterez pauvre. », déclarent les comédiens au public en guise d'au revoir. 19h25
Ce qu'on retiendra de ce spectacle, entre autre chose, c'est l'univers poétique créé par la magie du génialissime Carmelo Cacciato. Sa magie ne s'arrête pas au fait de faire apparaître et disparaître toutes sortes de choses, elle est impressionnante d'ingéniosité, de bricolage. En voyant le spectacle, on ne peut s'empêcher de penser au nombre d'heures passées à concevoir, fabriquer et tester toutes ces inventions et leur mécanisme. Ici, le magicien prend toute sa dimension d'auteur, d'artisan du rêve. La magie n'existe plus que pour elle seulement mais s'intègre à merveille dans l'histoire qui nous est racontée. Même si certain diront fièrement : « Le coup de la main qui bouge toute seule, moi je sais comment il fait ! » Là n'est pas la véritable finalité du travail de création de Carmelo. On a hâte de voir bientôt le spectacle en extérieur, là où la magie de Carmelo mise à nue, prendra toute son dimension; loin des artifices de lumière et des cadrages de caméra au millimètre près auxquels nous a habitués la magie moderne.
Vite, faites sortir la magie de Carmelo dans la rue !
Dans "Money! Mon€y!", on se régale aussi du texte écrit par Dominique Lemaire, qui a su emprunter aux magnats de la finance les termes les plus révélateurs. Termes qui sont autant d'armes rhétoriques pour asseoir le discours sans scrupule de son personnage.
Quant à Emilie Bajard, danseuse et mime de talent, elle est une Misère riche de nombreux talents. Ses mimiques naïves apportent un peu de tendresse dans ce monde de brutes...
Les questions que se posaient les artistes ont trouvé leurs réponses dans le regard des spectateurs, dans leurs rires, dans leurs silences aussi… Ce soir-là à 18h18, Dominique, Carmelo et Emilie ont brillamment dompté ce qui était jusque là leur invisible : le public.
A suivre le samedi 30 avril dans le quartier de Lambézellec (Brest) puis le dimanche 1er mai à Garlan, dans le cadre du Mai des Arts dans la Rue.
Texte : Aurélien Marteaux
Photos : lefourneau.com |
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