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Dansles
grandes villes d'Éthiopie, de nombreux enfants en rupture defamille font
le difficile apprentissage de la vie dans les rue, sous lahoulette de camarades
précoces ou d'adultes pas toujours recommandables?Le Circus Ethiopia leur
offre une autre solution à la fois plaisanteet enrichissante, à
laquelle la Croix Rouge a décidéde s'associer.Alliance: Quelle a été la genèsede «Circus
Ethiopia»?
Marc Lachance: La genèse du cirque débuteà
Addis Ababa, en janvier 1991 au sein de la communauté Falashadont les
membres sont en attente pressant d'un départ pour Israël.Nous sommes
à la veille du départ de Mengishu et du renversementdu gouvernement.
Je rencontre un Américain, Andy Goldman, en charged'un projet visant
à faciliter l'attente et le départ deces familles Falasha. Nous
nous sommes rencontrés au hasard d'undéjeuner dans un hôtel.
Moi, déprimé par lavie à Addis avec cette grisaille et
ce côté désespéréque le quotidien m'apportait.
J'étais durant cette périodedépassé par la pauvreté
qui m'assaillait chaque jouren rentrant de l'école à bicyclette.
Je vivais un sentimentd'impuissance et d'aliénation face à la
réalité.
Je me préparais à quitter ce pays. Pourtant aprèsla visite
d'une vingtaine de pays, pour la plupart du tiers monde, j'auraisdu être
habitué... Nous discutons et mon intérêtpour toutes choses
du cirque transpire; aussi il m'invite à présenterun spectacle
aux jeunes de la Communauté Falasha. De là touta débuté.
Ce premier spectacle a mené à uneséance de formation aux
techniques de la jonglerie et à laconstitution d'un groupe de 10 enfants
que j'entraîne tous les joursaprès mon travail à l'école
internationale en vued'un spectacle pour la Communauté Falasha. Entre
temps la guérillaapproche d'Addis. Les expatriés évacuent
le pays, les habitantsde la ville se réunissent dans les églises
en priant pourla paix. On s'attend à un autre Mogadiscio. Je suis restésur
place pour ce spectacle qui tout à coup avait pris une importanceimprévue
dans ma vie. La guerre arrive à Addis et c'est l'évacuationdes
Falashas le 28 Mai 1991: 14000 évacués en 24 heures.C'est aussi
le jour que j'avais prévu pour cette premièrereprésentation
du cirque. Ce jour-là, non seulement les 10enfants partaient mais également
l'auditoire au complet s'envolait...L'aéroport rouvert après deux
semaines, je m'envole pourpasser l'été au Canada. En septembre,
les cours reprennentà l'école internationale et c'est avec joie
que je reviensen Ethiopie, cette fois avec un projet en tête. Je reprends
contactavec Andy qui a pris en charge un groupe de plus de 300 familles laisséesen
arrière par une bureaucratie désireuse de statuer surl'origine
Falasha de ces familles. Je recommence à recruter desjeunes parmi ce
groupe pour recréer un cirque. Je propose des auditionsaux membres de
la communauté, je cherche des entraîneurs,de l'équipement
et après trois mois nous montons notre premierspectacle. Une foule de
700 enfants, adultes , vieillards, soldats assistentà la représentation.
Ce fut un succès. Le groupe étaitné.
Alliance: Les principaux acteurs de ce projet restentles enfants
défavorisés. Quels a été leur rôle?De quelle
manière participent-ils aujourd'hui à l'évolutiondu Cirque
et à la création?
Marc Lachance: Les enfants sont le moteur du Cirque,porteurs d'une
énergie surprenante et constante. L'école,les amis, la famille
tournent autour de leur passion du cirque. Un artqui nourrit leur âme,
qui donne un sens à leur vie. Les premierssix mois, ils ont suivi les
instructions à la lettre sans vraimentprendre d'initiatives. Les enfants
du cirque viennent tous d'un milieudéfavorisé habitant des maisons
en torchis dans des famillesde plus de dix personnes où ils n'ont pour
terrain de jeux que larue. En outre, l'école avec des classes de 50 à
90 élèvesne favorise pas beaucoup la créativité
ni ne promeut le sensde l'initiative. Avec le cirque ils ont compris qu'ils
avaient le droità la parole, aussi ils l'ont prise. Depuis trois ans
c'est la créativitéde plus en plus riche de ces enfants qui m'a
le plus fasciné. Lecirque n'ayant pas de tradition en Ethiopie, tout
doit être constammentinventé, renouvelé; mais la question
se posait alors surle message du cirque dans le contexte Ethiopien.
Cette question d'identité est fondamentale à la croissancedu cirque.
C'est à force de s'entraîner, de présenterdes spectacles
et de recevoir un "feed-back" que la réponse nousest venue. Le spectacle
avait apparemment le pouvoir de transformer lesgens. Les enfants étaient
devenus des exemples pour leurs pairs,une image d'espoir dans une société
où trop de chosesmanquent. Les enfants, les entraîneurs, et tous
ceux impliquésdans la bonne marche du cirque sont devenus conscients
du rôle qu'ilsavaient et de la place extraordinaire qu'ils tenaient dans
l'imaginairede milliers de personnes. Chacun à sa manière en est
venuà rechercher quotidiennement dans ce dépassement de soi unélément
de plus pour que le cirque continue, progresse. Assisterà une séance
d'entraînement montre bien le travailhyper-concentré de chacun.
Les numéros évoluent auhasard des découvertes de chacun.
Le cirque est le fruit d'une collaborationintense de la communauté dans
laquelle il évolue. Le spectacleest un don du coeur de chacun. Le mouvement
du cirque, car il s'agit biend'un mouvement au sein de la société,
est, dans son histoirecomme son développement actuel issu des besoins
et des goûtsde tous ceux qui participent de près ou de loin au
spectacle. Lebut du cirque est de plaire et d'émerveiller.
Aubord
de la rue, côté ombre, une ribambelle de jeunes cireursen haillons,
courbés sur leurs boîtes à cirage, frottentles chaussures
sales du Tout-Addis-Abeba. La capitale de l'Ethiopie quicompte de trois à
six millions d'habitants, est une concoction typiquementafricaine: une foule dense,
un flot de voitures et de camions, des gazd'échappement à couper
au couteau, des animaux de ferme etde la poussière. Les
Ethiopiens s'affairentà se remettre de la guerre, de la famine, de la pauvreté,de
la perte de leurs familles. On construit un peu partoutdes immeubles
et des routes. Les bureaux gouvernementaux fonctionnent,m'assure-t'on, les politiciens
et la police sont en généralhonnêtes et les rues sûres.
Le taux de change est àpeu près le même à la banque
et au marché noirce qui est un indice de santé. Mais surtout, je
vois des visagesouverts et souriants, une sorte d'optimisme, des signes nulle
part plusvisibles qu'au Cirque d'Ethiopie, une organisation d'aide aux enfants
quicombine les arts du cirque, la chanson, la musique, la danse et le théâtre.
Dansla
troupe, tout le monde est à la fois élève et enseignant.Les
entraîneurs, les chorégraphes, les musiciens sont touséthiopiens
et autodidactes. «Nous créons notre styleà partir de notre
identité propre... Nous amalgamons lesarts du cirque à notre musique,
notre danse et nos costumes traditionnels.Par exemple, le type de gymnastique
que nous faisons vient du sud de l'Ethiopieet nos numéros de jonglerie
sont totalement différents deceux d'autres pays», dit Awaka Emiru,
26 ans, directeur, chorégrapheet entraîneur du Cirque d'Ethiopie.