Gueules de Piaf
Par Marie-Ange Guillaume
Serge Hureau est un saltimbanque inspiré. Créateur
des visites-spectacles de l'Olympia et de Casino de Paris, hypersensible
à la chanson pour la mémoire qu'elle trimbale, il se fait
acteur pour visiter les lieux de sa propre fascination.
Le
charme angélique et mortel des cantiques de son enfance (Les Habits
du Dimanche) ou l'exotisme en mélo et pacotille (Yasmina ou l'oriental
incognito).
Il s'attaque maintenant aux faces B de Piaf, à
ces chansons qui sentent le blues en forme de valse dont parle Boris Vian :
"la fleur étrange issue de la tristesse des pauvres".
Michel Risse, Pierre Sauvageot et Montferra ont concocté
des arrangements minimalistes, voire grunges (percussions, guitare, harmonica,
arc à soudure, ...) qui restituent pourtant l'envoûtement
des grands orchestres de Piaf.
Hureau, sapé en bleu (le bleu de travail, pas
le bleu du ciel), le cheveu soigneusement graissé - beaucoup d'allure
malgré tout - chante d'une voix habitée par deux choses
normalement incompatibles : théâtralité et la nudité.
Et s'il navigue en finesse dans toutes les nuances de la distanciation
marrante, il ne donne jamais dans la dérision : il sait arrêter
de faire de l'esprit pour "faire corps" et quand il le faut,
s'avouer violent et bouleversé.
Comme toujours, le résultat est jouissif : émouvant, drôle,
décalé et parfaitement évident.
Revue
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