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Boule de cristal et marc de café !

jeudi 30 juin 2011, par Loeïza Renaut

En résidence au Fourneau du 6 au 24 juin 2011, Emma la Clown nous prépare son tout nouveau spectacle, Emma la Clown, voyante extralucide. Après une carrière sur les planches, Meriem Menant revient à ses débuts : la rue !

Bonjour Meriem, peux-tu nous raconter tes débuts, pourquoi as-tu choisi de faire le métier de artiste-clown ?

Ça a commencé à 13 ans, j’étais au collège au Mans et la prof de Français nous a dit en début d’année mettez vous en groupe, montez un texte de théâtre et vous le présenterez à la classe au mois de Juin. Je me suis donc retrouvée dans un groupe qui a monté Le cheval évanoui de Françoise Sagan. C’était un texte plutôt mélo-drôle et j’ai fait dans ce spectacle là, le rôle de Bertrame, un jeune amoureux transi, maladroit, mal dans ses baskets. Et quand on a joué à la fin de l’année, j’ai fait rire ! Moi, je ne savais pas que j’étais drôle. J’ai adoré ça. J’ai trouvé ça extraordinaire, c’était la révélation de ma vie. A partir de ce moment là j’ai toujours dit que je voulais être comédienne. J’ai quand même passé mon baccalauréat, j’ai commencé a faire des stages professionnels à 16, 17 ans. J’ai fait l’école Jacques Lecoq à 20 ans. C’est une école basée sur la créativité de chacun, sur l’improvisation et l’imaginaire de chacun, le monde créatif. Après ça, j’ai joué dans le métro avec un copain américain parce qu’on avait pas beaucoup d’argent, car c’était une école très chère. Nous étions en clown pour jouer de la musique par ce que nous n’étions pas super bons musiciens. Après il a été remplacé par un ami italien et c’est devenu un duo de clown et Emma la Clown est née en 1991. Je me suis jamais dis quand j’étais petite, « je veux être clown », c’était vraiment comédienne. Quand j’ai commencé à écrire mes textes en 1999, je suis devenue auteure vraiment , et là c’était évident que je sois clown.

Quelle est la part d’improvisation dans tes spectacles ?

Quand je répète, j’improvise pour trouver de la matière. J’ai des textes que j’écris d’abord, mais j’ai quand même beaucoup d’improvisation. En spectacle, il y a une partie d’improvisation, ça dépend du public. Entre 10 et 15 % d’improvisation. Et là en rue ça va être autre chose. C’est sûr qu’il y en aura encore plus, c’est le principe de la rue que d’être dans l’immédiateté. Ce que je fais déjà en salle, mais là ça va être encore plus improvisé.

C’est toi qui écris ? As-tu écrit en résidence ou avais-tu déjà écrit tes textes avant ?

J’ai écrit au mois de janvier. J’écris beaucoup, beaucoup, mais je garde vraiment presque rien du tout de ce que j’écris parce que je parle déjà beaucoup. Sinon ça ferait un spectacle de 4h ! Je garde uniquement certains trucs. Ça m’aide à rentrer dans le sujet avec mon langage, mon écriture, mais c’est sûr que c’est du clown donc ça reste plutôt visuel, c’est plus dans le corps que dans la parole. Même si je suis un clown qui parle. J’ai juste affiné mes textes, ici au Fourneau, c’est plus du plateau, de la scène, du jeu, un travail dans le corps et dans la caravane. Qui pense les décors, les effets spéciaux ?

Il y a Didier « Coco » Jaconelli, Christian Baret, Maelenn, assistante et Anne Devens, costumière qui a travaillé sur l’habillage de la caravane et les effets spéciaux. On est parti de ce qu’il y avait dans la caravane, on l’a vidée, on a gardé l’évier, le gaz, les placards et la banquette qu’on a un peu transformé. Et il y avait ce guéridon au milieu qui était obligatoire, vu le thème des sciences occultes, il fallait un guéridon. Il y a des idées qui nous viennent et puis après on les essaye. Il y en a qu’on a pas faites, par exemple pour des questions de temps ou qu’elles n’étaient peut-être pas si utiles que ça.

D’où t’es venue cette idée de la voyante ?

C’était en 2007, je ne sais pas comment c’est venu, moi les idées en général ce sont des choses qui m’interpellent. J’avais commencé à lire des bouquins sur la sorcellerie en Bretagne etc. Et je n’étais pas complètement dedans, j’ai laissé tombé. Puis j’ai fait un spectacle sur la Science, Dieu est-elle une particule ? Et l’année dernière je me suis remise à table. J’ai ressorti ça et je me suis dit « tient ça me titille ce truc ! » tout ce qui est extralucide c’est un univers totalement mystérieux donc on peut y mettre tout ce qu’on veut. Il y a tout un côté abus de la faiblesse de l’autre que je trouve drôle et intéressant et puis il y a un autre côté ou peut être il n’y a pas que des bêtises. Peut-être qu’il y a des esprits, peut-être que si on s’écoutait plus soi-même on aurait déjà les réponses aux questions que l’on se pose. Simplement il faut rentrer en connexion avec ce qu’on est déjà au départ. Mais ça m’intéressait aussi toute la fabulation qu’il y a autour : le marc de café, les boules de cristal etc.

En lisant des bouquins spécialisés la dedans, j’ai remarqué que certains trucs sont très tirés par les cheveux et en même temps c’est une manière pour le voyant de se connecter à son propre imaginaire et savoir que si lui il a besoin de voir dans le marc de café, d’autres c’est dans le plomb, dans l’encre... C’est leur manière de rentrer en connexion avec leur espèce de visions un peu plus profondes. Mais il y aussi le coté arnaque. Ce qui est intéressant c’est la croyance que le patient met dans son voyant, tout ce qu’il est capable de lui donner pour être compris, aller mieux... Je fais ça avec beaucoup de respect quand même pour les gens du métier. Es-tu déjà allée te faire tirer les cartes ?

J’ai fait un expérience qui n’a pas marché et qui était très drôle. J’ai acheté l’annuaire des voyants qui sort tous les ans et il y avait 4 étoiles pour certains et pas d’étoiles pour d’autres. J’ai donc pris rendez-vous avec une 4 étoiles. Je suis arrivée à midi cinq, (j’avais rendez-vous a midi) et puis la dame me dit, (un petite bonne femme) : « Écoutez je suis en retard parce que la dame d’avant est arrivée beaucoup trop en retard. Mais installez-vous dans ma salle à manger, ça ne va pas être très long, ne vous inquiétez pas. » Elle m’a donc installée dans une salle à manger où c’était un bordel incroyable. Il y avait une boule de cristal, des fleures séchées, des magazines sur les extra-terrestres, des fringues partout, des médicaments... Elle n’avait pas de porte, elle avait juste tiré un rideau pour se mettre dans son salon où elle recevait la personne d’avant. Et j’ai entendu toute la consultation. C’était d’un niveau, je me suis dis « je ne veux pas qu’elle s’occupe de moi, même si c’est pour rire ou si je mens, je ne veux pas qu’elle s’occupe de moi ». Il n’y avait rien, il n’y avait pas d’énergie, ça ne circulait pas, il y avait un truc qui était lourd. Et je regardais ma montre en me disant « si elle a 40 minutes de retard, je pars » et ça allait, ça allait, c’était long et je me suis dit « ouf ! elle a passé les 40 minutes, c’est bon je vais lui dire que j’ai pas le temps et que j’ai un rendez-vous après ». Ce qui fait que non seulement j’ai eu une consultation mais en plus je n’ai pas payé. C’est la seule expérience que j’ai faite au niveau professionnel. Parce que j’ai vu une nana ensuite qui tirait les tarots (qu’on m’avait conseillée) et c’était assez balaise, très intéressant. Peut-être que j’ai pris ce qui m’intéressait dans ce qu’elle m’a dit mais il y a des trucs qui ce sont avérés assez précis sur certaines personnes, après c’est à chacun de faire la part des choses.

Qu’est ce que la résidence vous apporte en tant que Compagnie ?

C’est un lieu d’accueil extra, humainement ça fait beaucoup de bien d’être bien accueilli. Parce que être mal accueilli ça enlève l’enthousiasme, c’est Chaplin qui disait ça, « le problème du travail en commun c’est le manque d’enthousiasme des autres ». C’est ça qui casse la créativité et là je n’ai eu aucun problème d’enthousiasme, jamais ! Ça, et puis l’accueil, être nourri, avoir un cuisinier, avoir un lieu de fabrique, avoir ma petite pièce, où j’ai très bien travaillé, même mieux que dans un théâtre. C’est super, bravo à vous !

Un grand Merci à Meriem qui nous a accordé un petit temps malgré toutes les sollicitations et les heures de répétitions.

Loeïza Renaut

- Plus d’infos sur la résidence par ici.

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