Les répétitions
Jeudi 1er juillet
Tout d’abord, nous découvrons les éléphants : tous, nous les imaginions plus grands... Mais ils sont vraiment beaux. Chacun à sa personnalité. Le notre s’appelle Juliette, car il est en toile de jute. Le second est fait de résine et sous cette dernière, on peut y voir des jouets d’enfants : barbies, portables en plastique, petites voitures, le dernier est fait de métal, ce qui lui donne un air très majestueux !
Nous répétons les percussions avec nos mailloches. Le rythme est facile, la seule difficulté est de se concentrer pour bien battre les temps.
A un moment précis dans le spectacle, nous explosons à la fois de joie et de folie, ce que les comédiens d’Oposito nomment « la petite folie » : nous devenons des fous à lier... Au départ, nous sommes un peu gênés de devenir des « fous » sous les yeux de personnes inconnues, puis nous oublions les conventions et jouons le jeu qui, d’ailleurs, est très drôle !
L’ambiance est chaleureuse. Cette aventure nous amène à nous intéresser à l’autre, nous discutons des parcours de chacun. Un melting-pot de personnes d’horizons différents, sont unis là, à un moment de leur vie, pour partager un événement, unique, mémorable : un spectacle d’Oposito...
En deuxième temps, nous apprenons à nous maquiller. Appliqués, nous suivons le modèle de la comédienne d’Oposito. Visage blanc, lèvres dorées, nez vert et marron, nous sommes presque méconnaissables. Les costumes sont magnifiques : continent asiatique, hommes bleus de métal et chapeau haut de forme et queue de pie pour le troisième groupe. Nous nous regardons dans la glace, étonnés de ces changements improbables.
Puis nous travaillons la « sortie de camion » : en rang, par trois, nous descendons du camion tels des automates souriants. A demain !
Vendredi 2 juillet
Nous sortons les trois éléphants sur la route, en file. Drôle d’impression de sentir un gros éléphant dans son dos... Il est lourd, et les « renforts » sont bienvenus ! Ils se conduisent facilement sur du plat, barre à gauche et il tourne à gauche. Ça y est ! Au bout de quelques manipulations, les techniciens d’Oposito nous délivrent le « permis éléphant ».
Puis on répète le concert, notre place sur scène est précisée et nous suivons les gestes du chef d’orchestre plein de vie pour crier au moment exact et battre la mesure avec nos mailloches en suivant le bagad, le bagadig et les percussions industrielles.
Lumières la nuit, musique prenante et surprenante... Un avant goût du spectacle qui promet d’être beau !
Samedi 3 juillet
10h : Les têtes endormies se réveillent petit à petit, nous révisons le concert, et la marche avec les percussions. Les éléphants restent en place, il faut que nous gardions des forces pour le soir.
19H12 : Révision de notre déambulation. Un peu inquiets, nous mémorisons le chemin à parcourir et les différentes étapes de cette marche extraordinaire. Après avoir mangé un petit bout, les préparatifs commencent pour les Transhumants : maquillages, costumes. Ce moment permet de nous concentrer, de nous détendre également, même si sous nos grands costumes, nos cœurs battent plus vite que de coutume...
Caméras et appareils photos nous entourent et nous immortalisent dans cette grande salle de l’Alizée, transformée par les cintres, costumes, et personnages de différents continents qui la traverse en tous sens.
Des rires fusent, la bonne humeur et l’entraide sont au rendez-vous. On nous apprend que le bourg de Guipavas est noir de monde, le stress monte alors d’un cran. Puis l’heure du rendez-vous avec Jean Raymond Jacob (directeur de la Compagnie Oposito) a sonné. Tous parés, prêts, nous savons que c’est la dernière ligne droite avant le spectacle.
Au lieu de nous affoler, Jean Raymond trouve les mots justes et apaisants pour nous encourager, nous remercier, nous rappeler le sens de ce spectacle qui est d’étonner, de surprendre, de toucher des gens de toutes générations et de tous milieux au sein d’une commune, tout cela sous le regard ému et joyeux d’Enrique Jimenez, co-fondateur d’Oposito... Ovations, applaudissements, puis nous quittons l’Alizée, heureux d’être là, tout simplement.
Le Spectacle
Nous montons dans le camion. Au départ les portes restent ouvertes, nous sommes secoués. Changement de ton, lorsque les portes se ferment, pas une lumière, une chaleur qui s’épaissit, une tension qui grandit, les petits rires étouffés sont nerveux. Nous n’avons plus de repères, le temps semble long. Soudain, nous entendons des cris, des acclamations, des gens qui touchent le camion, une foule oppressante, autour de nous, autour de ce camion qui la traverse lentement... Il fait si chaud...
C’est alors que les portes s’ouvrent à toute volée. C’est parti ! Nous devenons des automates... Fumigènes, foule, cris, et il faut avancer.
Alors, dans le brouillard, nous avançons, par trois, c’est « l’apparition ». Les gens sont tous près de nous, prêts à nous toucher. Certains crient même les « yeah » et « ououh » avec nous... Ensuite, nous allons tirer les éléphants. Notre cornac, belle danseuse, se glisse lentement sur la tête de notre éléphant, et brandit son ombrelle au-dessus des oreilles de « Juliette », dès lors, nous avançons.
La pente est rude, derrière nos sourires se cache une peur immense : l’éléphant de 850 kg est lourd, si lourd, nos muscles tendus peinent à ne pas tout lâcher. Mais la joie d’être là, de suivre Corine dans sa belle robe jaune et de voir l’émerveillement dans les yeux du public nous aide à tenir bon dans cette descente qui n’en finit pas. Lors de la côte, qui est plus facile, car les deux hommes aux cordes peuvent nous aider à tirer l’éléphant, je m’autorise à regarder les porteurs d’oiseaux, mais plus précisément les oiseaux aux yeux rouges, aux ailes métalliques, avançant dignement et guidant les éléphants à travers cette lumière rouge et orangée. Je m’imagine en Afrique, sur cette terre chaude, là où les animaux migrent. Je fais partie de cette migration, de cette transhumance...
Les éléphants sont illuminés, ce qui les rend d’autant plus beaux et plus majestueux... Il se passe quelque chose de magique ce soir là, à Guipavas. Jean Raymond nous dit de ralentir le pas. C’est vrai, profitons de ces instants, de ces minutes, de cet imaginaire devenu réel. Lorsque nous faisons la dernière « petite folie », nous sommes à bout de forces tant la traversée fut physique. Mais nous réussissons à trouver la force de sauter et de crier de joie dans tous les sens...
Puis nous déposons les éléphants devant la grande scène, essoufflés, transpirants, mais heureux. Nous nous mettons en place pour la suite du spectacle. Sur scène, le Bagad et les percussions s’en donnent à cœur joie, nous les rejoignons, l’énergie du chef d’orchestre nous aide à nous concentrer et à vivre pleinement ce moment. Lorsque le feu d’artifice retentit, nombre d’entre nous ne peut s’empêcher de lever la tête vers le ciel, comme un enfant qui ne sait plus où donner de la tête tant il est émerveillé.
Fin et disparation... Rêve réel fait par 6000 personnes...
Personne ne nous croira... !
photos licence CC by-nc lefourneau.com