Opéra Pagaï
Entreprise de Détournement


(12/11/07)

Carhaix dans 100 ans : le grand détournement


Les pseudo-scientifiques du Grapav n’étaient donc que des comédiens, venus entreprendre, à l’initiative des Vieilles Charrues, une « entreprise de grand détournement »
« Mais qui sont ces illuminés ? » se sont demandés pendant une semaine les visiteurs incrédules de l’exposition « Carhaix dans 100 ans », montée sur le champ de foire, et qui présentait la ville au bord de la mer dans un siècle. Ses organisateurs n’étaient, en fait, qu’une troupe de comédiens.

Certains pourraient, ce matin, se sentir floués, abusés d’avoir cru un instant à cette vision hallucinante d’une Bretagne envahie par les eaux au siècle prochain, où Carhaix serait devenu le port d’entrée d’une région coupée du continent. « Ce n’était pas une caméra cachée. Juste notre façon de jouer notre rôle d’artistes, en poussant les gens à se poser des questions », expliquait, samedi soir, Cyril Jaubert, directeur artistique de la compagnie bordelaise Opéra Pagaï, responsable de ce « grand détournement ».

Une pièce en trois actes
La bande de huit comédiens avait bien monté son coup, avec la complicité des Vieilles Charrues, pour qui ils avaient joué « Mélomaniaques » cet été. Le premier acte remonte à juin dernier, où la troupe passe huit jours à Carhaix, rencontre des associations, historiens ou élus. « Le but de cette étape était de comprendre la ville, de découvrir son esprit. On a appris plein de trucs, mis des idées bout à bout. Et décidé de monter un spectacle sur cette idée de montée des eaux ». La troupe est coutumière de ce genre de spectacle interactif. Du côté de Valenciennes, dans le Nord, ils se sont fait passer pour « l’équipe nationale de foot à 7 d’Ingouchie ». À Libourne, en Gironde, ils avaient fondé une fausse école de « steward et hôtesse de terre », dont les stagiaires sillonnaient la ville en bus. Le but du jeu ? « Décaler la réalité avec un regard utopique, et emporter les gens dans cet univers. Le tout sans moquerie, mais avec tendresse ». L’acte deux s’était déroulé en septembre. À nouveau huit jours à Carhaix, pour monter un scénario précis, régler les questions techniques, échanger une première fois avec la population. L’acte final n’a pas déçu les auteurs et comédiens. « Beaucoup de gens se sont douté que tout cela était un jeu, et ont joué avec nous. Quand on voyait que d’autres prenaient la chose trop au sérieux, on en rajoutait encore une couche, pour introduire un doute dans leur esprit ».

« Étonnés qu’on vienne leur parler d’eux »
La troupe quitte son île fantasmée avec une image flatteuse de sa population. « On a appris beaucoup de choses ici. Les Carhaisiens sont extrêmement attachants, accueillants. Et on sent un bon sens agricole, chez certains, vraiment intéressant. Beaucoup étaient étonnés qu’on vienne à Carhaix, leur parler d’eux ». La troupe a donc plié bagage, fermé cette parenthèse faussement scientifique, totalement fantasmagorique. Mais dans ses valises, restent des heures de films tournés ici, que l’on pourra, dans quelques mois, consulter sur leur site*. Pour Cyril Jaubert, la prochaine étape est plus lointaine encore. Il part cette semaine en Birmanie, avec l’association Clowns sans frontières ». Ouvrir une autre parenthèse, dans des camps de réfugiés, des prisons pour enfants.
Pour en savoir plus : www.operapagai.com