La Patriótico Interesante
El Jabali
« El Fourno » à la sauce chilienne.

 

Au lendemain de la soirée chilienne, c'est le grand jour pour la Patriòtico Interesante : la troupe présente l'intégralité de sa nouvelle création « El Jabali », une adaptation libre et furieusement populaire de « Richard III » de William Shakespeare. En ce mercredi 18 juillet, une centaine de personnes prennent place dans la grande halle du Fourneau : face à elles, l'imposante structure métallique qui constitue le principal décor de la création et à leur droite, le trio de musiciens de la compagnie. Tout le monde est bien assis, son petit livret explicatif à la main. Le spectacle peut alors commencer !

 

 

La pièce, en 16 actes, nous permet de suivre le parcours chaotique d'El Jabali, de son enfance, où il est maltraité par sa mère, à son exécution par son ennemi Richmond.
Dès le début, le public se rend compte de la vraie nature du héros : un bourreau sanguinaire, sans pitié et prêt à tout pour arriver sur le trône de son « vieux frère, le Roi » et s'emparer de son royaume. Il est également très laid, difforme et ne s'attire pas les faveurs des femmes mais cela ne semble pas le déranger outre-mesure. Ce qu'il veut, c'est la gloire et la richesse et pour cela, si « je ne peux agir en grand homme, je vais agir en canaille ». Il n'aura cesse de mentir, d'assassiner, de feindre afin d'atteindre le sommet de la hiérarchie. Arrivé à ses fins, sa cupidité et ses tourments par rapport à ses crimes auront finalement raison de sa vie : il est tué afin que son territoire puisse devenir « un royaume de tous et pour tous ! ».

 

 

La Patriòtico Interesante se donne un malin plaisir à bousculer les codes et cadres prévus par l'adaptation d'une pièce aussi connue et jouée : seulement cinq comédiens affublés de masques « grotesquement » expressifs pour se répartir la trentaine de rôles que l'on peut trouver dans « Richard III », des changements de costumes très rapides pour garder le rythme du spectacle, des instants très « chauds » ou très sanglants (on peut voir certaines têtes tomber sous les coups d'épées ou des viscères sortir de corps), l'adaptation prend une tournure originale et vraiment différente de tout ce qui avait pu être proposée auparavant.
Véritables métronomes d' « El Jabali », les trois musiciens accompagnent les différents personnages et actes à travers les thèmes joués, mélancolique pour le roi mourant, dur et violent pour El Jabali qui se transforme ainsi en chanteur lors de certains passages.

 

Malgré la barrière de la langue, le public parvient à suivre les évènements et apprécie cette pièce drôle, musicale, mais aussi parfois assez violente.
A la fin de la représentation, on se rend compte également que celle-ci donne à réfléchir sur une forme d'autorité que l'on peut retrouver dans certains pays, une autorité basée sur la cruauté et l'enrichissement personnel au détriment du peuple. Le choix d'une telle adaptation semble désormais compréhensif de la part d'une troupe venant du Chili. Et ces mots clôturant « El Jabali » prennent alors tous leurs sens : « Le peuple, vous tous, vous devez apprendre à gouverner ! ».

Retrouvez le royaume d'El Jabali vendredi 27 juillet à 20h33 aux Couchers de Soleil de Lampaul-Guimiliau, le 2 août aux Jeudis du Port à Brest, ainsi qu'au Festival Des Arts de la Rue de Morlaix le mercredi 8, le jeudi 9 et le vendredi 10 Août.

Texte : Mathieu Nihouarn
Photos : lefourneau.com