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La Crèche à moteur de Raoul Huet

[Le projet] [La résidence*] [La restauration*]
[L'histoire*] [La distribution*] [La presse*]
[Expérimentations* Publiques] [France3]

"Je me souviens de la crèche à moteur...

Quand il arrivait, chaque année à la même époque, Mr Huet garait toujours son camion bien à plat. A la fin de la manoeuvre, c’est lui qui mettait les cales. Alors, les gars pouvaient commencer le montage du gradin et des bâches. Il avait embauché deux gars, à la saison et au pourcentage, pour l’aider à monter le décor, à entretenir la mécanique, mais surtout, à faire bouger les automatiques.

Pas besoin de coller des affiches, "la crèche à moteur" était connue comme le loup-blanc !
A l’heure dite, les spectateurs arrivaient par dizaines, devant la plus célèbre attraction de la région. La crèche à moteur de Raoul Huet ! Je me souviens bien de lui, il reniflait toujours sur la manche de son costume de velours noir. C’est lui qui faisait la caisse, derrière son guichet carré, avec sa petite cigarette éteinte au coin de la bouche.

Parfois, il mettait un peu de musique pour faire patienter avant l’ouverture du rideau publicitaire... Le rideau publicitaire, c’était des réclames pour les artisans du coin, pour les commerçants ou pour quelques connaissances à lui. Ca nous occupait avant le début, on faisait des jeux. Ca s’ouvrait avec la musique du carillon, et là, on retrouvait les vieux automatiques comme chaque année, à leur place, comme si ils n’avaient jamais bougé.

Dans leur grotte de chiffon, il y avait la mère au regard attendri et le vieux Joseph qu’avait pas tout compris. Ils tenaient des bougies tout droit et nous saluaient en montant les bras. C’était beau. Au bout d’un moment, c’est l’étoile qui arrivait, suspendue au plafond par ses fils invisibles. Elle était belle. Elle était toute brillante. Elle se promenait au dessus des automatiques. Ils la suivaient des yeux, comme nous. Et puis d’un coup, c’était la musique mécanique avec son piano à fourchettes. On comprenait pas comment ça pouvait marcher, mais ça jouait bien, ça jouait un bout du "divine enfant" ! On voyait le Jésus apparaître dans son lit rempli de paille, là-bas, au fond de la grotte. Et tous les gens faisaient ohhh !

Au bout d’un moment, quand le silence revenait, on sentait Mr Huet gesticuler dans notre dos ; il tirait presque toutes les ficelles en même temps, comme un marin.
On connaissait tout par coeur. Je me souviens des bras des marionnettes qui s’élevaient de plus en plus haut et des têtes qui pivotaient, en rythme, comme à la danse de Saint-Guy. Il y avait un petit berger qui arrivait en premier : il pointait son nez, du côté du boeuf, puis un mouton, deux moutons, trois moutons si légers qu’ils s’envolaient dans les nuages !
Il y avait des anges qui descendaient du plafond et qui venaient se poser sur leurs dos. Et puis y’avait les rois. Ils arrivaient en bringuebalant, les trois mages et leur chameau à trois bosses. Ils portaient les offrandes, çà rendait bien !

Même si on attendait de découvrir les balivernes, on était toujours émerveillé par le traditionnel. Sans son traditionnel, la crèche à moteur n’aurait pas eu de sens. C’est parce qu’il y a eu le traditionnel que les balivernes sont arrivées un jour ! Les balivernes, c’était après l’entracte, quand Mr Huet racontait des histoires à dormir debout, mais aussi des choses intéressantes, comme dans un dictionnaire de marionnettes. Ma mère m’avait raconté que ça s’était passé à la première année de la crèche à moteur, avant la guerre. A la fin du traditionnel, Raoul Huet avait décroché la tête du Jésus en tirant trop fort sur la ficelle et elle avait disparu sur le toit de la crèche le petit avait perdu la tête ! Personne n’a jamais su si il l’avait fait exprès, mais tout le monde en a parlé. Ca a été la révolution !

Lui, il a toujours raconté que oui, que c’était comme ça qu’il avait voulu terminer son histoire, que c’était pour que le petit ait la tête dans les nuages, et qu’il reste pas coincé dans une vie qu’en est pas une. Parfois, les gens se moquaient de lui en lui demandant "alors Raoul, la tête du petit, quand est-ce qu’elle revient du ciel ? Alors Raoul, t’as toujours la tête sur les épaules ?" Du coup l’année suivante, il a inventé une deuxième partie pour son spectacle d’automatiques. Il l’a appelée "les balivernes". Pour nous, "les balivernes", c’était les voyages dans son imagination, et c’était bien aussi beau que le traditionnel !"

Mme Pusset