Le Fourneau, Carnets de Voyage
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RESIDENCE EN PAYS DE MORLAIX

lundi 23 mai 2005, par Jean-Baptiste Magnifique

En route

Tout au long du trajet, chacun s’était posé, au moins une fois, avec négligence, la question : Plougonven, comment ça se prononce ? Devait-on faire sonner la syllabe terminale comme dans Plougon-veine ou au contraire la retenir, l’assourdir comme dans Plougon-vin ? Partagés entre la tentation de claironner comme un biniou et la discrétion séculaire des vieilles terres de légendes, la Bretagne nous susurrait la plus subtile de ses énigmes. Nous ne venions pas de si loin pourtant ! Des voisins, des amis ! Nous connaissions déjà cette Bretagne du nord Finistère. Mais en franchissant le Coësnon et ses égarements dans la baie du Mont Saint Michel, nous avions le sentiment de pénétrer dans l’inconnu. Sur les berges de la quatre voies, des pandores à motos tentaient de faire flasher leur boite.

Arrivée à Plougonven

Ainsi nous venions parachever la création de nos spectacles dans cette ville inconnue dont nous n’étions pas convaincus de la prononciation ni de la situation exacte en marge des circuits touristiques. “Plougonven, c’est très grand” nous affirmait la petite dame à qui nous demandions la Salle polyvalente. “Ca regroupe plusieurs communes de la campagne autour...” Grand ? Le village traversé ne l’était pas de toute évidence même si nous avions constaté au rond-point de la Salle omnisports, un panneau indicateur bilingue destiné à montrer au voyageur désorienté la direction du centre ville. Mais grand, non ! L’adjectif ne s’imposait pas. Disons coquet et agréable avec sa place refaite à neuf, son enclos paroissial très vert, son vieux calvaire breton, ses belles façades de granit... En un mot, accueillant sous le soleil charmeur qui s’était mis en peine de briller ce jour-là pour saluer notre venue.

Camion sur le parking

Nous voilà installés pour une dizaine de jours. Le camion-scène et le camion-loge sur le parking devant la Salle des fêtes, les ateliers à l’intérieur. Dernières retouches, derniers essayages, derniers ajustements mécaniques... Roro fait les navettes entre les rayons de bricolage et les rayons alimentaires des magasins de Morlaix. Drôle de l’entendre parler de Leclerc, de Casino et de Décathlon ! Fanny a planté sa machine à coudre devant une baie vitrée. D’ici, elle pourra voir ses costumes en action. Pascale repeint les nez de clowns, peaufine les accessoires manquants. Dans une pièce vitrée à l’écart, Valéry fait chanter les acteurs et les anges : “Les mensonges éclairés d’Icare se brisent à la nuit des cavernes...”

En raison des intempéries, plusieurs filages prévus dehors sont rapatriés à l’abri. Et notamment la couturière ! Car il n’est pas question d’imposer aux costumes tout neufs l’épreuve redoutable du crachin et de la boue du parterre.

Répétitions

Quelquefois une averse, plus souvent une brise interrompent la répétition, inquiètent les acrobates. Redoutent-ils le déluge annoncé par Pandore ? Comment tenir un équilibre, là-haut par un tel vent ? Et ils s’accrochent au mât pour ne pas s’envoler, Ulysse fragiles en maillots de sport. Mais dès que le calme est revenu, Séléna, la petite sirène de la maison voisine, se précipite vers le parterre avec la joie de ses quatre ans. Au bout de deux ou trois services, elle connaît les chansons par coeur. Son grand frère, plus discret, ne quitte jamais sa bicyclette. René, lui, ne quitte plus son chapeau. A cause de la lumière autant que de la pluie. Toujours le nez en l’air ! Mettre en scène ce spectacle a été éprouvant pour les vertèbres verticales ! Et quand les anges s’envolent enfin sur le toit du camion, un silence impressionnant s’impose sur les parkings voisins. Tout le village semble s’arrêter comme pour les regarder passer.

Le gîte et le couvert

Le midi, on déjeune à la cantine de l’école. Grand merci à Solange et aux dames de service pour la chaleur de leur accueil. Pour leur patience, leur discrétion. Ce sont des convives échevelés et affamés qui se posent autour de la table. On apprécie de manger chaud et de se retrouver au sec. Et ça s’exprime parfois très fort. Trois chambres à lits jumeaux, un dortoir, une ancienne roulotte et une caravane exiguë : le gîte de Cher David héberge la nombreuse famille en ordre dispersé. En pleine campagne. Les filles s’isolent dans la roulotte, les garçons s’entassent dans le dortoir, chacun s’installe au mieux en fonction de ses humeurs. La cheminée dévore les bûches, la terrasse demeure désertée et le froid humide de la nuit pénètre les literies. Malgré tout, la vie s’organise, la table s’honore de quelques plats à caractère exceptionnel ( Ah ! le rougail de Frédéric aux saucisses fumées de Bretagne ) le Muscadet en promotion assaisonne l’ordinaire, la télé ne s’allume qu’à l’heure des matchs de foot. Pour ceux qui se sentent dispensés de vaisselle.

Répétition publique

Elle était annoncée depuis avant notre arrivée, rappelée le matin même au cours d’une visite à l’école. Cette répétition publique venait clôturer notre résidence et la marquer symboliquement d’une soirée de rencontre devant le beau bâtiment de la bibliothèque communale. Ainsi donc la population de Plougonven allait pouvoir mettre bout à bout tous ces extraits de dialogues, tous ces refrains glanés et ces bouts de numéros de voltige aperçus durant notre séjour. Accompagner de leur bienveillance les derniers pas, encore indécis, de ce chemin des animaux. Et au moment d’entrer en scène, réfugiés dans la salle du club du troisième âge, alors qu’on espère que la pluie va épargner les spectateurs, c’est une drôle d’émotion qui anime les acteurs, conscients de l’importance d’être à la hauteur de l’enjeu et de la confiance des habitants. Plaisir d’ouvrir ensemble cette boite de Pandore et d’en faire surgir des diables à ressort. Aujourd’hui, nous savons comment se prononce Plougonven.

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