Crieur et tatoué

Pascal Tourain, L'homme tatoué / Gilles Dubocquet, Le crieur Publié le lundi 19 juillet, 15h03

Gilles Dubocquet, Le crieur

Oyez, oyez ! En 1910 il y avait le garde-champêtre et son tambour pour annoncer les bonnes et les mauvaises nouvelles dans le village. Imaginez ici, en 2010, une sorte de John Wayne en veste rouge et bleue, un Stetson couleur paille sur la tête, une étoile de shériff décrochée d'un sapin de Noël texan pendue autour du cou, des Ray-Ban, une écharpe noire et blanche, un oeillet rose à la boutonnière et portant à la main un porte-voix de syndicaliste rageur pour haranguer les foules. C'est le Crieur public du VERGER. Gilles Dubocquet tient le rôle de main de maître. Rien ne peut démarrer sans lui. Il est la clef de contact, le coup d'envoi et le starter à la fois. A l'heure dite, à quelques minutes du classique 16h16, il est devant la porte monumentale, debout sur une estrade, à ses pieds une foule impatiente et gourmande. Le Crieur accueille, racole, annonce, présente, attise le feu de la curiosité, ouvre les pistes et il a pour ainsi dire le premier et le dernier mot, avant de donner les clefs pour l'ouverture des portes. Jusqu'au soir, dernière minute du dernier spectacle, il guide et suggère un choix plutôt qu'un autre, il donne le la et connaît le VERGER comme sa poche. Approchez, approchez ! Et que la fête commence !

Pascal Tourain, L'homme tatoué

Pour Pascal Tourain, l'Homme Tatoué, "le corps est le dernier espace de liberté. Je n'ai qu'une vie", dit-il et il a fait le choix de graver sur sa peau, du cou aux chevilles, une quantité d'images et de vignettes qui lui tiennent à coeur et au corps. Pascal Tourain est un album d'images à lui tout seul. On y voit de tout sur ses bras, son torse, son ventre, ses jambes : une série de portraits des personnages de Freeks, le film culte de Tod Browning, des scènes érotiques tirées des écrits du Marquis de Sade, des images du Moyen-Age, des vignettes rouges, jaunes, bleues, vertes... comme encrées sur un tissu lisse et mouvant. Devant la peau de cet homme de deux mètres qui se présente seulement vêtu d'un string quand il a ôté sa grande robe noire de lutteur de foire, le public a des réactions diverses que l'Homme Tatoué anticipe en attribuant les rôles : ici l'étonnement, là le dégoût, ici le désir, là la tolérance... Quelques phrases pimentées choquent ou font rire. Mais, avant que Pascal Tourain ne se rhabille, chacun aura compris son choix extrême : faire de sa peau une sorte de Musée vivant et précieux dans lequel l'Homme Tatoué vit librement chaque seconde de sa vie.

Texte : Pierre Abgrall