Les deux sont vêtus de gris bleu et d’orangé. Ils portent un chapeau identique. L’un, donc, aime l’eau et l’autre moins. L’un entre dans l’eau sans sourciller et son violoncelle noir ne dit pas non, l’autre la craint et sa guitare approuve. D’emblée l’homme de l’eau, les pieds dans la piscine, tourne sur lui-même et se met à chanter la fragile et troublante Alifib de Robert Wyatt. L’homme de l’air, qui ne sait toujours pas marcher sur l’eau, le rejoint comme il peut. Il y parvient parce que rien ne pourrait l’empêcher de rejoindre l’homme de l’eau afin de chanter avec lui cette Alifib, sorte de berceuse, douce chanson d’amour qu’on aurait aimé que notre maman nous chante quand on était dans le bain de l’enfance, chanson qui annonce assez la couleur de ce qui nous attend : une gamme poétique et ludique de gestes et de sons pour clowns pas ordinaires...
Clown de l’air et clown de l’eau nouent alors, au fil de l’air et de l’eau, leur amitié nouvelle. Ils la fêtent, on dirait. Acrobaties, péripéties, jeux, moments musicaux s’entremêlent. Les cymbales servent de chapeaux chinois, la flûte s’allonge démesurément, l’eau sert de percussion, les chapeaux et les instruments volent ici et là. La structure du kiosque sert aussi d’outil de jeu. L’homme de l’air y monte parfois jusqu’au sommet pour donner sa sérénade, guitare en bandoulière. Bien sûr, en bas, dans la piscine, ça éclabousse, ça gicle, ça plouffffe et ça splassshe à qui mieux mieux, le public se prend des gouttes au passage mais ce n’est pas pour lui déplaire.
Pour donner du liant à leur travail, les deux comédiens de BAROLOSOLO ont eu la belle intuition d’inviter l’EAU. Elle est le troisième protagoniste du spectacle. Comme l’homme de l’air et l’homme de l’eau, elle ne dit pas un mot mais elle joue, chante et s’amuse tout autant qu’eux. Sa transparence, sa présence, légère, intense, font d’elle le lieu indispensable de l’amitié complice qui s’y joue. On pourrait dire qu’elle donne tout ce qu’elle a et elle a tout ce qu’il faut pour que s’établissent les liens magiques entre les deux acteurs d’une part, entre les acteurs et le public d’autre part. Du coup, à la fin du spectacle, quand la lumière s’éteint et revient sur le kiosque aquatique au milieu duquel les deux acteurs ruisselants saluent, on devine que l’eau elle-même salue et frémit, émue par les applaudissements qui les réchauffent tous les trois.
Photos : lefourneau.com